Voici un bilan personnel de l’année 2018 côté danse au travers de 5 tops et de 5 flops.

Les tops

1 – Stéphane Bullion, danseur tragédien.

Après deux saisons de vaches maigres à jouer les seconds rôles de luxe, les partenaires attentionnés ou les étoiles alibis sur des créations plus ou moins réussies, Stéphane Bullion a enfin retrouvé le premier rôle dans un ballet narratif, avec le rôle-titre d’Onéguine de John Cranko, rôle qu’il abordait pour la première fois. Avec Laura Hecquet, ils nous ont offert de grands moments de passion sur la scène de Garnier, une association qui m’a plongée dans une crise de « balletomanie » aiguë, puisque j’ai été les voir 4 fois.

Dans une veine similaire, Stéphane Bullion reprenait en fin d’année un de ses rôles emblématiques, Armand dans la Dame aux Camélias incarnée par Eleonora Abbagnato. Là encore, un grand moment de danse et de théâtre.

L’étoile, particulièrement à l’aise dans les rôles sombres et tourmentés, peut aussi s’épanouir dans un registre plus léger, comme il l’a prouvé cet automne dans Fancy Fee de Robbins avec sa rumba charmeuse.

2 – Les adieux de Marie-Agnès Gillot.

La grande danseuse contemporaine (mais pas que …) de l’Opéra a tiré sa révérence en incarnant un des rôles les plus marquants de sa carrière, Eurydice, dans Orphée et Eurydice de Pina Bausch. Sa nouvelle carrière a déjà commencé avec un joli projet théâtral avec Peau d’Ane, la fantaisie musicale qui fait actuellement la réouverture du Théâtre Marigny, ou des premiers pas au cinéma dans la comédie chorale de Pascal Thomas, A Cause des Filles …, à découvrir à la fin du mois de janvier.

3 – Héloïse Bourdon, première danseuse.

On ne l’attendait plus vraiment, après des concours ratés ou marqués par des injustices, mais Héloïse Bourdon est enfin première danseuse. Contrairement à la plupart de ses collègues (y compris des étoiles), elle peut se targuer d’avoir déjà interprété sur scène les plus grands rôles « classiques » du répertoire parisien. Espérons que cette promotion lui permettra de briller plus souvent sur scène.

4 – Hommage à Jerome Robbins.

Paris a accueilli deux étapes de la commémoration du centenaire de la naissance de Jerome Robbins par le gotha mondial des compagnies de danse. La première étape lors des derniers Étés de la Danse, avec la participation notamment du New York City Ballet et du Joffrey Ballet, a été marqué par un sublime Dances at a Gathering réunissant une pléiade de principals du New York City Ballet. La deuxième étape hébergée par l’Opéra de Paris, la maison de Robbins en Europe, nous a offert le plus beau programme mixte de la maison depuis des lustres.

Dances at a Gathering

5 – Les Ballets de Monte-Carlo à Paris.

Le Songe de Jean-Christophe Maillot date de 2005, mais je l’ai découvert à l’occasion de la résidence parisienne des Ballets de Monte-Carlo au Théâtre de Chaillot. Cette relecture du Songe d’une Nuit d’Eté de Shakespeare est la démonstration brillante que la technique classique et le ballet narratif sont encore capables d’inspirer un chorégraphe contemporain.

Et aussi :

Valentine Colasante, une nouvelle étoile

L’éclosion artistique de Paul Marque

Le départ de Karl Paquette (mais nous reviendrons dessus après la soirée d’adieux du 31 décembre)

Les flops

1 – Scandale au New York City Ballet.

Le mouvement #MeToo n’a pas épargné le monde de la danse et en particulier le New York City Ballet. Peter Martins, son directeur depuis 27 ans, a été contraint de démissionner suite à des accusations de harcèlement (accusations non confirmées finalement). Plus grave, trois principals de la compagnie (que nous avions pu admirer sur scène à l’occasion des Etés de la Danse) ont démissionné ou été renvoyés dans le cadre d’une sombre histoire de photos dénudées volées, impliquant des danseuses de la compagnie. Le mythe du prince charmant en sort sérieusement écorné.

2 – François Alu, toujours pas étoile.

2018 est plutôt une bonne année sur scène pour François Alu, mais ce ne sera pas celle de la nomination au titre d’étoile. Et pourtant, si ce n’est pour sa jolie Fille Mal Gardée cet été aux côtés d’Alice Renavand, où il se révélait en partenaire émule de Karl Paquette, il aurait bien mérité ce titre pour son incroyable interprétation lors de la soirée Robbins de A Suite of Dances, dans les pas de Mikhaïl Barychnikov.

3 – La soirée Béjart-Millepied.

C’est la déception 2018, entre une reprise insipide du Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied, sans doute pas suffisamment supervisée par le chorégraphe, et un Boléro version Béjart avec sur la table une Marie-Agnès Gillot à bout de souffle.

4 – The Male Dancer, la création d’Iván Pérez.

Et la palme de la création la plus vaine de l’année revient à Iván Pérez, jeune chorégraphe qui monte, connu pour son travail avec le Netherlands Dance Theater, invité pour la première fois à l’Opéra dans le cadre de la soirée « hype » 2018, le programme Thierrée / Shechter / Pérez / Pite. Dommage de n’avoir pas su tirer parti d’un formidable casting de « male dancers » pour ce questionnement sur le genre au travers de la figure du danseur masculin.

The Male Dancer

5 – Malaise au Ballet de l’Opéra de Paris.

En avril, un sondage interne au Ballet fuitait dans la presse, révélant que la direction d’Aurélie Dupont n’emportait pas forcément l’adhésion de la troupe. Les membres de la commission artistique qui avait organisé ce sondage se sont retrouvés en porte-à-faux et dans l’œil du cyclone de la direction.

Au-delà des jeux de pouvoir dans les coulisses du ballet (avec le départ planifié de Stéphane Lissner pour limite d’âge, peut-on s’attendre à un remaniement complet de l’équipe artistique ?), les résultats de ce sondage ne sont pas réellement un scoop pour l’observateur de la compagnie. On imagine bien de la saison 2017-2018 a dû être frustrante pour les danseurs (une partie d’entre eux n’avait plus grand-chose à danser à partir d’avril) et les danseurs qui s’éclipsent de plus en plus nombreux pour un congé sabbatique pour découvrir autre chose (Vincent Chaillet, Eléonore Guérineau, Yannick Bittencourt ou Allister Madin) ne le feraient sans doute pas s’ils étaient « nourris » artistiquement à Paris.

Et aussi :

Les adieux de Josua Hoffalt à l’issue du défilé du Ballet (quel dommage que la carrière de cette étoile s’arrête aussi tôt!)

Les adieux d’Hervé Moreau (il devait danser Roméo et Juliette de Sasha Waltz mais n’a pas pu, aura-t-il des adieux officiels?)

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