Avec le printemps, on retrouve toujours avec plaisir l’Ecole de Danse de l’Opéra pour son spectacle annuel qui constitue souvent le programme mixte le plus équilibré de la saison. Pour cette édition 2025, le style purement classique est représenté par 3 extraits d’August Bournonville, judicieusement encadrés par un court ballet néo-classique d’Antony Tudor, Continuo,  qui fait son entrée au répertoire et par les fascinantes 7 Danses Grecques de Maurice Béjart. Deux façons pour les jeunes danseurs d’évoluer sur une technique de base classique mais dans un cadre plus libre en apparence.

Continuo

Antony Tudor (1908-1987) fait partie des chorégraphes importants du XXème siècle. Cet Anglais, danseur auprès de Marie Rambert,  une des grandes dames de la danse britannique, s’avère un chorégraphe précoce avec deux œuvres majeures, Jardin aux Lilas et Dark Elegies créées avant ses 30 ans. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il rejoint les Etats-Unis pour une deuxième partie de carrière largement associée à l’American Ballet Theater et à la Julliard School où il enseigne et pour laquelle il crée Continuo en 1971. Noureev le fait rentrer le chorégraphe au répertoire de l’Opéra en 1985 avec une soirée d’hommage où figure Continuo. Depuis 1994, Antony Tudor a disparu des programmations, et c’est donc l’Ecole de Danse qui le remet au goût du jour. Ce court ballet abstrait de huit minutes qui utilise un tube de la musique baroque, le Canon de Johann Pachelbel, a été créé pour des danseurs en formation afin de valider leur technique de partenariat, mais il a bien plus à offrir qu’un exercice académique pour les 3 couples de danseurs qui l’interprètent. C’est un véritable défi en terme de musicalité car le flot chorégraphique imaginé par Antony Tudor est quasi ininterrompu et exige une grande fluidité d’exécution, avec des préparations très courtes. Pour ce premier spectacle, on sent les danseurs encore un peu dans la retenue et l’impression d’effort pas complètement gommée. C’est peut-être le deuxième couple formé par Albane de Chantérac et Milo Mills (déjà remarqué en 2024 dans Suite en Blanc) qui présente le partenariat plus accompli.

August Bournonville

August Bournonville est le chorégraphe de référence de l’école de danse danoise, un des grands maîtres du ballet romantique. Il est surtout connu pour sa version de la Sylphide qui fait aujourd’hui encore les beaux jours du Ballet Royal du Danemark. De son séjour en Italie, il a ramené l’inspiration pour des ballets pittoresques, mettant en scène le petit peuple dans des scènes de rue. La Fête des Fleurs à Genzano et Napoli s’inscrivent dans cette veine quasi naturaliste. Là aussi, les danseurs enchaînent les pas, constamment en mouvement, et la petite batterie est préférée au grands sauts. Paradoxalement, les danseurs semblent plus à l’aise dans ce style que dans le néo-classique d’Antony Tudor, interprété de façon plus scolaire. J’ai particulièrement apprécié l’association de Manon Baranger et Carlo Zarcone dans la Fête des Fleurs à Genzano, et notamment la danse très musicale du jeune homme. Décidément, le vivier de danseurs italiens à l’Opéra est inépuisable. La Tarentelle de Napoli est également un hymne à la joie de danser où l’on repère la personnalité charismatique de Marcos Silva Sousa. On retrouve également des danseurs remarqués l’année précédente comme Hadrien Moulin. Chez les jeunes filles, La haute stature de Prune Kaufmann se démarque.

7 Danses Grecques

Après l’entracte, on quitte les rivages de la Mer Tyrrhénienne pour ceux de la Mer Egée avec les 7 Danses Grecques de Maurice Béjart. Comme August Bournonville, Béjart s’inspire de danses folkloriques pour créer une chorégraphie, au son des compositions entêtantes de Míkis Theodorákis. J’avais découvert ce ballet à l’occasion de l’invitation du Béjart Ballet Lausanne à l’Opéra Garnier l’an dernier. On ne peut évidemment pas attendre le même niveau de maîtrise des élèves d’une école de danse, aussi prestigieuse soit-elle, que d’une troupe de professionnels qui dansent cette pièce très régulièrement. Ainsi, les ensembles ne vivent pas aussi intensément et à l’unisson leur danse, mais certaines individualités sont prometteuses. Marc-Anthony Betta Ndabo a indéniablement la présence d’un soliste béjartien. La 5ème danse, pas de deux avec Prune Kaufmann et Hadrien Moulin, est un joli moment. Ilyane Ben-Lahsen, qui était très à son avantage dans le Kylián l’an dernier, a le redoutable honneur d’hériter du rôle de soliste de la 6ème danse et du final : on le sent un peu sur la retenue, avant de libérer sa danse.

Bravo à tous ces jeunes artistes qui nous offrent une fois encore une très belle soirée et ont été chaleureusement encouragés , parfois à contretemps, tout au long de la soirée par un public enthousiaste.

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