Après 3 voyages dans la Russie d’Onéguine en compagnie de Laura Hecquet et Stéphane Bullion, riches en émotions, il s’est avéré difficile d’enchaîner avec le programme mixte sous le signe de Ravel, réunissant Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied et  l’iconique Boléro chorégraphié par Béjart.

C’était pourtant un spectacle coché de longue date dans la saison et que j’imaginais très agréable, voire un sommet de la saison pour le Boléro.

Daphnis et Chloé

Chloé : Hannah O’Neill, Daphnis : Yannick Bittencourt, Lycénion : Aurélia Bellet, Dorcon : Allister Madin, Bryaxis : François Alu

Millepied Béjart-04 mars 2018-7

Je gardais un bon souvenir de la création de Benjamin Millepied, début de la lune de miel entre le chorégraphe et la compagnie dont il allait prendre la direction l’année suivante. Benjamin Millepied s’essayait ici à son projet le plus ambitieux, de par sa scénographie signée Daniel Buren, de par le nombre de danseurs sur scène et de par la volonté affichée d’inventer le ballet narratif du XXIème siècle en puisant dans l’œuvre de ses maîtres Balanchine et Jerome Robbins.

L’intrigue du roman grec de Longus, datant du IIème siècle, qui était le sujet du ballet commandé par  Diaghilev à Ravel et Fokine en 1909, n’est pourtant ici qu’un lointain souvenir. Philippe Jordan, qui dirigeait l’orchestre à la création d’un ballet, évoquait justement une histoire atmosphérique, le fait de recréer sur scène l’impression de lumière que l’on éprouve sur les îles grecques.

Néanmoins, s’il fallait à tout prix raconter une histoire, ce serait plus ou moins la suivante que nous racontait très bien la distribution de la création (Aurélie Dupont, Hervé Moreau, Eleonora Abbagnato, Alessio Carbone, François Alu) entre deux pas de deux estampillés Millepied.

Il y a Daphnis et Chloé qui s’aiment d’un amour pur, qu’ils n’osent complètement s’avouer, dans un lieu idyllique. La beauté de Chloé attise la convoitise d’un autre jeune homme, Dorcon : il est un peu hâbleur, sûr de sa séduction, mais Chloé n’a d’yeux que pour Daphnis, plus gracieux, plus doux, que convoite également une séductrice rouée, Lycénion. Des pirates attaquent  la petite société pastorale: ils enlèvent Chloé et laisse Daphnis pour mort, avec la coupable complicité de Dorcon et Lycénion. Tandis que Chloé résiste aux avances du chef des pirates, Bryaxis, des nymphes intercèdent auprès des dieux en faveur de Daphnis. Le dieu Pan fait se lever une tempête, les pirates sont vaincus, et Daphnis retrouve Chloé. Tout se termine par un mariage, et les réjouissances qui s’ensuivent.

Las, ce 4 mars, une curieuse langueur semble flotter sur scène, et les solistes du jour (Hannah O’Neill et Yannick Bittencourt) semblent un peu perdus sur le grand plateau de l’Opéra Bastille et danser une œuvre purement abstraite. Je confonds Aurélia Bellet et Hannah O’Neill : c’est un problème, la première est sensée être une garce, et l’autre une douce jeune fille. Seul Allister Madin, qui faisait partie d’une des 3 distributions initiales, donne un peu d’épaisseur à son Dorcon. Heureusement, il y François Alu, qui apporte son soutien inattendu à cette distribution : il remplace Antonio Conforti, qui devait initialement danser Bryaxis cette matinée. Cette apparition résume à elle seule la situation du danseur à l’Opéra. Son remplacement n’a même pas été annoncé au spectateur et pourtant  le danseur fait vibrer la salle avec sa présence inimitable sur scène et un solo qui explose les lois de la gravité et  qui, s’il ne doit plus grand-chose à Benjamin Millepied, épice le plat un peu insipide qui nous était présenté jusque-là.

On soupçonne que la reprise s’est faite sans réelle supervision du chorégraphe ou alors avec une tablette via Skype. Dommage car Daphnis et Chloé fait partie des rares créations « bankables » des dernières saisons.

Boléro

Distribution : Marie-Agnès Gillot, Audric Bezard, Vincent Chaillet et 16 danseurs du Corps de Ballet

Millepied Béjart-04 mars 2018-9

C’était mon premier Boléro version Béjart en live. Lorsque le rideau se lève sur la fameuse table rouge avec la silhouette de Marie-Agnès Gillot, avec des bras et mains sculptés par la lumière, qui semblent immenses, je me dis que cela va être un choc chorégraphique comme le Sacre du Printemps version Nijinski ou Pina Bausch, et puis pas vraiment… Il y a quelque chose d’un peu mortifère dans cette danse de Marie-Agnès Gillot, assez éloignée de la puissante sensualité dégagée par Nicolas Le Riche dans le même exercice à l’occasion de sa soirée d’adieux. Les hommes du corps de ballet semblent prêter une dernière fois allégeance à la danseuse, qui va bientôt descendre de son piédestal pour rejoindre les simples mortels.

Millepied Béjart-04 mars 2018-14

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