À croire qu’Aurélie Dupont s’est transformée en mère Noël à l’occasion de ces fêtes de fin d’année avec une deuxième nomination d’étoile en l’espace de 4 jours. C’est Léonore Baulac qui accède au titre suprême à l’issue de sa prise du rôle d’Odette/Odile lors de la représentation du 31 décembre du Lac des Cygnes aux côtés du Siegfried ultime, Mathias Heymann. Cette promotion fait un peu mentir la règle qui semblait s’appliquer aux derniers choix d’Aurélie Dupont, à savoir privilégier de grands techniciens classiques à la personnalité artistique encore effacée. En effet, Léonore Baulac est avant tout une artiste, dont la danse se trouve être le moyen d’expression, et une jeune femme à la volonté peu commune derrière sa blondeur gracile.
Qui aurait deviné en découvrant Léonore Baulac, qui stagnait alors depuis 5 ans au rang de quadrille, dans la Danse à tout Prix, documentaire diffusé fin 2012, qu’elle serait étoile avant les 3 autres danseurs suivis par la caméra (Héloïse Bourdon, François Alu et Arthus Raveau)?
Et pourtant, dès 2011, pendant la création houleuse de Rain, Anne Teresa De Keersmaeker a eu un coup de foudre artistique pour Léonore Baulac, lui confiant son premier rôle de soliste. Lors de la reprise de Rain en 2014, je trouvais que la performance de Léonore Baulac permettait de surmonter le caractère répétitif et languissant de la pièce: “elle fait passer du sens et de l’émotion dans ce qui ne semble être que de la danse pure, elle aimante le regard du spectateur, à la fois lumineuse et fragile, et sa connexion avec les autres danseurs est remarquable”.
C’est pendant la saison 2013 – 2014 que la carrière de Léonore Baulac s’accélère réellement. Brigitte Lefèvre confie à la quadrille un rôle d’étoile sur la soirée d’adieux d’Agnès Letestu, Olympia, la rivale de la Dame aux Camélias, un personnage qu’elle réussit à caractériser notamment dans le 3ème acte face à Stéphane Bullion. Cette prise de rôle précède un concours de promotion enfin surmonté au jury duquel figure un certain Benjamin Millepied, futur directeur de la danse, qui est lui aussi séduit par la ballerine. Il la choisit pour faire partie de sa création Daphnis et Chloé.
Elle va désormais faire partie de la génération Millepied et devenir la muse du chorégraphe – directeur artistique. Il lui ouvre la porte des grands classiques avec le rôle de Clara dans Casse-Noisette où il la lance avec Germain Louvet ou encore le rôle titre de Paquita. Il l’emmène à Cannes en mai 2015 pour un court ballet sur le thème du Vertigo d’Hitchcock, conçu pour la cérémonie d’ouverture du festival. Pour son ballet d’ouverture de la saison 2015 – 2016, Clear, Loud, Bright, Forward, il lui offre le pas de deux central de la pièce avec Hugo Marchand. En répétition, ému par le travail de ses deux protégés, il note : “Ils sont les plus mûrs, les plus aboutis, ils sont plutôt parfaits déjà. Ils forment un beau couple n’est-ce pas? Je pense que je vais souvent les distribuer ensemble”. Désormais, les concours de promotion s’enchaînent sans accroc et elle accède au rang de première danseuse fin 2015.
La démission de Benjamin Millepied ne fait pas pâlir la bonne étoile de la jeune femme qui va encore élargir son répertoire, prouvant sa légitimité hors régime de faveur: Juliette, le rôle convoité par bien des étoiles, le Blake Works I de Forsythe avec un pas de deux créé pour elle et François Alu, Balanchine avec le 1er Mouvement du Brahms-Schoenberg Quartet et Sonatine et enfin Odette / Odile dans le Lac de Noureev. Dans chacun de ces rôles, elle impose sa marque. C’est un peu l’effet Baulac: elle ne possède pas la technique sans faille de Dorothée Gilbert ou de Ludmila Pagliero, mais elle est la reine du pas de deux avec la faculté innée de danser avec son partenaire, d’interagir avec lui et de le mettre en valeur, une qualité qu’on chercherait plutôt d’habitude chez le partenaire masculin. Je n’ai pas de souvenir d’un duo qui ne fonctionne pas. C’est flagrant dans un de mes meilleurs spectacles en 2016: elle remplaçait au pied levé Myriam Ould-Braham, blessée, pour être la Juliette de Mathias Heymann lors de sa prise du rôle de Roméo. Ce dernier n’est pas réputé comme étant le plus fiable des partenaires et les pas de deux de Roméo et Juliette ne sont pas avares en difficultés et en portés vertigineux, et pourtant, ils se sont trouvés dès les premiers instants et m’ont fait oublier toute considération autre que l’histoire qu’ils racontaient.
Léonore Baulac fait partie de la famille des Isabelle Ciaravola et Eleonora Abbagnato. Contrairement à ces dernières qui ont été nommées étoiles bien trop tard dans leur carrière, à 26 ans seulement, elle a conquis la chance de pouvoir s’installer dans la durée pour nous raconter beaucoup de belles histoires, de vivre les destinées des héroïnes néo-classiques pour lesquelles elle semble être taillée et d’inspirer de nouvelles chorégraphies.
Mots Clés : Le Lac des Cygnes,Léonore Baulac,Noureev
Baulac dans la lignée des Ciaravolla et Abbagnato ? Alors la les bras m’en tombent .. C’est pour moi le jour et la nuit . Comme vous l’écrivez cette danseuse est en « devenir » à tout point de vue,ce qui est un comble pour une danseuse dite Étoile et apparemment déjà en service Les danseuses sublimes que vous mentionnez sont deux joyaux de la danse et ce depuis leurs premières apparitions en scène et dont le talent et la personnalité ont immédiatement été reconnus et ont illuminé l’opéra sans attendre d’hypothétiques progrès . Je m’arrête la.
Isabelle Ciaravola a été nommée étoile à 37 ans, et Eleonora Abbagnato à 35 ans. On ne peut donc pas vraiment dire que leur personnalité et leur talent aient été immédiatement reconnus, du moins par la direction. Ce sont deux danseuses que j’apprécie beaucoup, surtout Isabelle Ciaravola qui m’a fait vivre certaines de mes plus belles soirées à l’Opéra. Je vois une parenté entre Léonore Baulac et ces danseuses dans le sens où elles sont avant tout de superbes danseuses néo-classiques avec une grande force d’interprétation avant d’être de pures ballerines classiques, catégorie dans laquelle j’aurais rangé Dorothée Gilbert et Myriam Ould-Braham. Je trouve bien qu’Aurélie Dupont nomme tôt Léonore Baulac, car, justement, les carrières d’Isabelle Ciaravola et Eleonora Abbagnato ont été tronquées du fait de leur nomination tardive.
Pour avoir vu Léonore Baulac de nombreuses fois sur scène, c’est à mon avis une des artistes les plus charismatiques de la compagnie à l’heure actuelle.
Même si le travail semble une nécessité première pour que Baulac finisse par endosser le costume d’Etoile sans faire grincer des dents , le don le génie la lumière la différence qui doivent se dégager d’une étoile ne s’apprend pas . On le porte en soi , on ne se l’annexe pas.. Mais bon, les illusions soutiennent .