Balanchine Agon

Retour à Garnier pour la nouvelle saison en ce 29 septembre. D’un côté, je suis impatiente de retrouver le Ballet de l’Opéra après plus de deux mois sans représentation et la conclusion enjouée de la saison 2011-2012 avec la Fille Mal Gardée. De l’autre une petite appréhension pour moi, plutôt adepte des ballets narratifs, pas familière de l’œuvre de Balanchine : cette soirée « triple bill » comme disent les anglo-saxons va-t-elle combler mon attente ? 3 ballets pour 3 âges d’un chorégraphe, voilà ce qui nous est proposé lors de cette soirée Balanchine.

Sérénade pour ballerines en bleu

Sérénade pour ballerines en bleu

Sérénade, la première pièce de la soirée, marque les débuts de Balanchine aux Etats-Unis et est également un hommage à sa formation et à la forme la plus pure du ballet romantique. Dans leurs tutus longs, sur la Sérénade en ut majeur pour orchestre à cordes de Tchaïkovski, les ballerines nous donnent à voir un acte bleu plein de poésie. Ce classicisme d’école est émaillé de touches de modernité : la chute d’une des solistes, les chevelures détachées des ballerines à la fin.

J’ai surtout retenu la performance de Mathilde Froustey, insolente de facilité, et l’éclat de Pierre-Arthur Raveau dans le dernier pas de trois, pas du tout intimidé par ses partenaires étoilées Ludmila Pagliero et Myriam Ould-Braham.

Ludmila Pagliero, Florian Magnenet, Pierre-Arthur Raveau

Changement d’ambiance avec Agon (1957), un peu abrupt sans entracte. Agon, « combat » en grec, est le fruit de l’étroite collaboration entre Balanchine et Stravinsky. Sur une partition écrite avec les douze sons de la gamme dodécaphonique, sans argument, douze danseurs (huit filles, quatre garçons), justaucorps noir et collant blanc pour elles, maillot blanc et collants noirs pour eux , se succèdent sur scène dans une série de douze joutes sous forme de pas de deux, trois et quatre. Comme dans un ballet classique, on retrouve un pas de deux central de 6 minutes, d’une incroyable complexité, à la fois gracieux et syncopé, où Aurélie Dupont et Nicolas le Riche défient la technique et la gravité. Les autres mouvements intègrent des références aux danses de cour françaises du XVIIème siècle (sarabande, branle, …) et nous permettent d’apprécier entre autres Karl Paquette, Muriel Zusperreguy, Christophe Duquenne, Stéphane Phavorin.

Mélanie Hurel, Karl Paquette, Muriel Zusperreguy

Cependant, il reste le sentiment qu’on est dans un exercice de style, une démonstration de la virtuosité du chorégraphe, du compositeur et des danseurs à destination d’une élite. Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont sont très applaudis, parce que ce sont les stars de la maison et qu’ils ont fait une démonstration de leur maestria technique, pas parce qu’ils nous ont emmenés dans un autre univers.

Finalement, c’est la dernière étape de la soirée, la première chronologiquement parlant, le Fils Prodigue (voir quelques éléments historiques sur ce ballet ici) qui m’a le plus convaincue. Face à Agnès Letestu, majestueuse et impitoyable dans un rôle de mante religieuse, Emmanuel Thibault était extrêmement touchant en jeune homme tourmenté puis repentant. Au moment des saluts, on le sentait encore dans son rôle. J’espère que c’est pour lui le démarrage d’une très belle année où il aura l’opportunité de briller dans des premiers rôles, et pourquoi pas très rapidement en Basilio dans la future série de Don Quichotte.

Emmanuel Thibault est le Fils Prodigue

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