Le Spectacle de l’Ecole de Danse est toujours une fête, un moment particulier dans la saison de danse. Les passionnés sont nombreux dans le public (c’est le spectacle que l’on met en priorité dans son abonnement), ainsi que les familles des élèves, contribuant à créer dans l’enceinte de l’Opéra Garnier une ambiance moins guindée qu’à l’habitude. Cette année, la directrice de l’Ecole, Elisabeth Platel, avait concocté une programmation néo-classique avec différentes ambiances : néo-classique narratif avec les Forains de Roland Petit, néo-classique contemporain avec Un Ballo de Jirí Kylián et pour conclure néo-classique académique avec le sublime Suite en Blanc de Serge Lifar.

Les Forains

Les Forains est un ballet extrêmement attachant qui signait les débuts de chorégraphe de Roland Petit associé à Boris Kochno, une des figure de proue des Ballets Russes, et au décorateur Christian Bérard, sur une jolie musique d’Henri Sauguet. Avec cette pièce, mise en abyme de la vie d’artiste, qui raconte le quotidien d’une troupe de saltimbanques, Roland Petit impose déjà sa patte et son style, sa capacité à ancrer une histoire dans une réalité sociale, un sens quasi cinématographique de la mise en scène et également la volonté de donner vie à chacun de ses personnages. Ce ballet est la démonstration éclatante qu’avec un décor très simple, quelques accessoires et des costumes chinés aux puces, on peut faire des miracles et créer une superbe scénographie. La chorégraphie n’est pas particulièrement complexe, mais très efficace avec de beaux tableaux qui accrochent le spectateur : le pas de deux entre le clown (Hadrien Moulin) et la petite fille (Sophia Iordachi) rehaussée par un tabouret, la danse serpentine de Loïe Fuller (Typhaine Gervais), le prestidigitateur (Martin Paul) et les deux colombes, autant de moments qui distillent la magie du spectacle. Les jeunes danseurs ont l’opportunité d’exprimer leur sensibilité avec des personnages qui ont chacun une petite histoire à raconter.

Un Ballo

Un Ballo

Le programme se poursuit avec la pièce de Jirí Kylián, Un Ballo, créée en 1991 pour la compagnie « junior » du Nederlands Dans Theater. On est dans la veine plutôt consensuelle et classique de Jirí Kylián que nous avions pu apprécier cet hiver avec Petite Mort. Sur des compositions de Ravel, un menuet, le Tombeau du Couperin, et la Pavane pour une infante défunte, où le musicien revisite les danses de cour du XVIIème siècle, le chorégraphe s’amuse lui aussi avec les codes du bal en société. Le rideau s’ouvre sur une scène dans la pénombre, éclairée par des lignes de bougies. Emergeant de la brume en fond de scène, trois couples vont se succéder pour interpréter un pas de deux. J’ai particulièrement apprécié le deuxième duo interprété par Natalie Henry et Ilyane Bel-Lahsen. Dans la seconde partie, 5 couples partagent la scène pour une chorégraphie d’ensemble très prenante. Comme souvent chez Kylián, on est à la fois dans les temps anciens et au XXIème siècle, et à travers l’exercice d’une incroyable beauté formelle et en seulement douze minutes, il dit aussi beaucoup sur l’évolution des rapports hommes-femmes, avec ses curieuses poses finales où danseuses et danseurs semblent fusionner.

Suite en Blanc

Suite en Blanc

En proposant Suite en Blanc à ses jeunes danseurs, Elisabeth Platel a été très ambitieuse, peut-être trop penseront certains, car l’œuvre maîtresse de Serge Lifar est un épouvantail technique, y compris pour les danseurs chevronnés de la compagnie. Les élèves avaient déjà pus se faire les chaussons sur un court passage la soirée Hommage à Claude Bessy l’an dernier, mais l’intégralité de la chorégraphie, c’est une toute autre affaire, un véritable baptême du feu.

Pour ma part, c’était ma première Suite en Blanc en totalité et un émerveillement total devant la beauté absolue de cette chorégraphie et l’élégante simplicité de la scénographie, quintessence du chic français. Les conditions de la création de l’œuvre, en pleine occupation allemande, font sans doute qu’il y a certaines pudeurs à se prévaloir de cette pierre angulaire du ballet abstrait de style néo-classique. En tout cas, force est de constater, qu’hormis au détour de variations de Concours de Promotion ou de soirée de Gala, le répertoire de Serge Lifar a été délaissé par les récentes directions artistiques. Pendant qu’on faisait entrer au répertoire des œuvres « mineures » de Balanchine, on oubliait Suite en Blanc qui est l’équivalent de Joyaux ou de Thèmes et Variations. Les solistes en devenir ont en tout cas fait preuve d’une belle maîtrise, même si tout n’était pas totalement abouti et qu’il y a encore quelque chose d’appliqué dans l’exécution. La Cigarette de Natalie Henry laisse une belle impression, Jasmine Atrous (déjà très mise en avant sur Ma Mère l’Oye, la création de Martin Chaix pour l’Ecole) montre qu’elle est prête pour intégrer la compagnie avec une superbe variation de la Flûte. Millo Mills, américain et actuellement stagiaire en deuxième division, a déjà un partenariat très sûr et l’adage avec Eve Belguet est un des plus beaux passages du ballet. On n’a évidemment qu’une envie lorsque les lumières se rallument voir toutes les étoiles de la compagnie briller dans Suite en Blanc.

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