Une trop courte soirée à Garnier sous le signe des ballets russes et de leur réinterprétation.
Le programme débute avec l’Oiseau de Feu de Béjart. Sur la partition de Stravinsky, Maurice Béjart transforme le conte traditionnel russe qui sert d’argument au ballet de Diaghilev en une pièce chorégraphique à connotation « révolutionnaire ». Dans le rôle titre, Mathias Heymann nous enchante pendant vingt minutes : sa danse semble moins puissante que par le passé mais que de précision et de délicatesse ! Dans le groupe des partisans galvanisés par l’Oiseau tout de rouge vêtu, ressortent brillamment François Alu et Hugo Vigliotti. Quant au Phoenix (alias Allister Madin), en deuxième position sur la distribution, il a trop peu de matériel pour se mettre en valeur. Dommage qu’à peine commence-t-on à entrer dans la chorégraphie, c’est déjà terminé.
Le cœur du programme est constitué par un dyptique autour de l’Après-Midi d’un Faune: l’original de Nijinski suivi de la version de Jerome Robbins.
Dans la première pièce, j’ai eu le sentiment d’être invitée à écouter le morceau de Debussy tout en contemplant un tableau, la toile monumentale de Léon Bakst, animé par les silhouettes du Faune (Benjamin Pech), de la nymphe (Eve Grisztajn) et de ses suivantes. J’attends de le revoir avec une autre distribution pour mieux appréhender l’impact des interprètes sur la perception que l’on peut avoir de cette œuvre patrimoniale.
On enchaîne avec la version de Jerome Robbins, Afternoon of a Faun, qui a été mon coup de cœur de la soirée. Dès l’apparition de Stéphane Bullion en train de s’étirer nonchalamment dans le décor épuré d’un studio de danse, on est happé par ce qui se passe sur scène. Stéphane Bullion apporte énormément d’intensité à son personnage de danseur narcissique. Le couple qu’il forme avec Emilie Cozette a beaucoup d’élégance. Ils donnent vie à ce qui pourrait être un simple exercice de style.
Enfin la soirée se clôture avec la nouvelle version du Boléro commandée au duo belge Cherkaoui et Jalet, qui a par ailleurs déjà chorégraphié une version du Faune.
Après le très beau moment de danse, condensé d’épure et de bon goût, qui a précédé, le contraste est assez difficile. Non que le spectacle quasi hypnotique soit désagréable, il procure une satisfaction immédiate voire un éblouissement (au propre comme au figuré). Il y a pléthore d’ingrédients de choix : la musique de Ravel, un véritable « tube », une scénographie spectaculaire avec ce miroir sur la scène et des références à l’art cinétique, les costumes étonnants du créateur de Givenchy, 3 étoiles et 3 premiers danseurs sur le plateau qu’on peine à distinguer. La danse se retrouve néanmoins trop diluée dans ce dispositif : la répétition publique en ce sens était plus gratifiante que la représentation. A l’applaudimètre, gros succès pour cette création.
On aurait aimé de plus une pièce supplémentaire pour compléter la soirée, qui comptait presque autant d’entracte que de spectacle.
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