A partir du 2 mai, le ballet de l’Opéra de Paris rend hommage aux ballets russes et à leurs relectures dans un programme mixte qui, aux côtés de l’Oiseau de Feu version Béjart, de l’Après-Midi d’un Faune dans la version originale de Nijinski puis sa réinterprétation par Jérôme Robbins, propose un nouveau Boléro.
Pour cette commande, Brigitte Lefèvre a fait appel au duo belge Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, accompagnés de la « performeuse » serbe Marina Abramovic. Ce choix peut sembler ne pas coller avec l’image de l’Opéra de Paris, mais la prise de risque est finalement très limitée car les pièces prestigieuses qui complètent le programme assurent à elles seules le remplissage de la soirée. L’Opéra a en tout cas déployé la grosse artillerie pour promouvoir cette création: séance de travail publique à l’amphithéâtre Bastille, conférence avec Marina Abramovic, article sur les répétitions dans le New York Times.
Retour sur la séance de travail publique du 20 avril conduite par Damien Jalet. Il est accompagné de deux danseurs de la compagnie de Cherkaoui, James O’Hara (qui a incarné le Faune dans la version de Cherkaoui du ballet de Nijinski) et Aimilios Arapoglou. Quatre danseurs de l’Opéra sont sur scène: Alice Renavand, Alexandre Gasse, Marc Moreau et Adrien Couvez. On note le contraste entre le physique très longiligne des danseurs classiques, en particulier Marc Moreau et Alexandre Gasse, et l’apparence beaucoup plus compacte et musculeuse des danseurs contemporains.
Pendant une quarantaine de minutes, Damien Jalet a expliqué le processus créatif du ballet, visiblement soucieux de pédagogie, illustrant son propos en faisant répéter certains des phrases chorégraphiques aux danseurs.
La pièce est conçue pour 11 danseurs. Dans la distribution, on retrouvera notamment des étoiles et des premiers danseurs familiers du contemporain: Marie-Agnès Gillot, Jérémie Bélingard, Alice Renavand, Vincent Chaillet ainsi qu’Aurélie Dupont. Mais ici, il n’est pas question de hiérarchie, contrairement à la version de Béjart avec un danseur superstar au centre, autour duquel gravite toute la troupe. Le ballet a été conçu comme une pièce de groupe, une sorte de rituel. Les créateurs ont voulu réinventer le Boléro, trouver une gestuelle qui fasse résonner la musique d’une façon différente, tout en conservant l’essence de la danse espagnole, dans laquelle le Boléro puise ses racines, c’est à dire en nous donnant l’impression de l’envol.
Les danseurs évoluent en solos complémentaires ou en duos autour d’un centre vide, magnétique, qui les attire jusqu’à les absorber. Ils sont à la fois en rotation sur eux-même et autour des autres (d’où quelques têtes qui tournent…), avec une attraction vers le centre qui s’intensifie tout au long de la pièce en même temps qu’ils sont à la recherche de la fusion avec l’Autre/leur double.
Si les danseurs de Cherkaoui semblent très à l’aise dans ces mouvements, pour les danseurs de l’Opéra, il s’agit bien encore de la phase d’apprentissage à deux semaines de la première.
En tout cas, la proposition paraît séduisante et on ne peut s’empêcher de fredonner le Boléro en sortant de la répétition. Reste à savoir si la scénographie et les costumes réussiront à la magnifier et à l’élever au dessus du simple objet « tendance ».

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