Hier soir, Karl Paquette, l’étoile parisienne la plus attachante, a fait ses adieux à l’issue d’une représentation de Cendrillon de Noureev. 9 ans jour pour jour après son accession au titre suprême dans un autre ballet « festif » du même Noureev, Casse-Noisette.
Il était accompagné par Valentine Colasante, dont il était le partenaire lors sa nomination sur Don Quichotte en début d’année, ainsi que Dorothée Gilbert et Ludmila Pagliero, deux ballerines qui ont compté dans sa carrière.
En somme, ces adieux sont en phase avec l’image du danseur auprès des spectateurs réguliers, un danseur viscéralement attaché au répertoire « historique » de sa maison, et en particulier les versions des classiques léguées par Noureev, et un merveilleux partenaire qui a su faire briller les ballerines les plus talentueuses avec une rare humilité. Plus que ses collègues, Karl Paquette est une étoile de l’Opéra de Paris, avant d’être une étoile: la nuance est significative et reflète la longévité d’une carrière linéaire au sein de l’institution, une conception artisanale au sens noble de sa mission avec une progression des plus petits rôles et des « purges » vers les rôles de soliste et aussi un engagement sans faille pour que le spectacle continue (combien de remplacements pour sauver une représentation ?).
Pour les balletomanes, Karl Paquette, parce qu’ils l’y ont beaucoup vu, rime avec le répertoire qu’ils aiment à l’Opéra : les grands classiques et les ballets narratifs. D’où ce lien particulier presque familier qui lie l’étoile à son public. En l’espace de 6 ans, j’ai ainsi vu danser près de 30 fois sur scène Karl Paquette, sans faire la chasse à tout prix aux dates où il apparaissait.
Depuis Nicolas Le Riche à la fin de la saison 2014, aucune étoile masculine n’avait quitté la scène en pleine possession de ses moyens et en capacité d’assurer un ballet en trois actes. Karl Paquette nous a encore bluffés pour sa dernière année, avec une dernière série de Don Quichotte et l’un des rôles les plus exigeants du répertoire, Basilio, pour un duo plein de charme et de piquant avec Myriam Ould-Braham. Il réussissait à faire oublier par sa science du placement et du partenariat et la vivacité de son jeu les affronts inéluctables du temps sur la technique du danseur.
Parmi les plus beaux souvenirs de représentations, il y a un Paquita magique avec Laura Hecquet, la dernière série de Dame aux Camélias d’Isabelle Ciaravola ou encore une Giselle touchante avec Ludmila Pagliero. Dans le registre plus abstrait de Balanchine, il sublimait la technique de Sae Eun Park dans le divertissement du Songe d’une Nuit d’Eté ou celle de Ludmila Pagliero dans le mouvement en « bleu nuit » du Palais de Cristal. Moins présent dans le contemporain (mais ce n’est pas forcément un défaut), je l’ai particulièrement apprécié dans les pièces d’Anne Teresa De Keersmaeker ou dans le Sacre du Printemps de Pina Bausch (impressionnant en chef de la meute masculine). Enfin, le prochain Lac des Cygnes en février-mars souffrira forcément de l’absence de son Rothbart.
Un nouveau chapitre s’ouvre dans la vie du prince blond de l’Opéra, une histoire qui s’écrira sans aucun doute toujours autour de la danse, mais côté coulisses cette fois.
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