Pour ses adieux à la scène, Aurélie Dupont a parfaitement organisé les choses, démontrant qu’en plus d’être une artiste, elle était une redoutable planificatrice. On est assez loin de l’improvisation de dernière minute autour du départ d’une autre étoile emblématique Nicolas Le Riche: devant la bronca provoquée par la « privatisation » de sa soirée Carte Blanche, une diffusion en salle et sur le web avait été rajoutée en catastrophe. A contrario, l’avant – dernière représentation de l’Histoire de Manon est cochée depuis plus d’un an dans l’agenda des balletomanes et était  inscrite dans la programmation de la saison UGC. Même la défection d’Hervé Moreau a été gérée dans une relative sérénité avec le recours à une étoile invitée, Roberto Bolle.

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Aurélie Dupont joue également la carte de l’étoile populaire, avec un plan de communication savamment orchestré, et plutôt orienté grand public, France Télévisions plutôt  qu’Arte, RTL plutôt que France Musique ou Radio Classique. Enfin, ce n’est pas un simple technicien qui mettra en images ses adieux mais un cinéaste avec de nombreux succès populaires à son actif, Cédric Klapisch. On ne peut qu’espérer qu’elle fera preuve de la même maîtrise dans son nouveau poste de maître de ballet, numéro 2 de la danse à l’opéra.

Même si, au fil des interviews des dernières semaines, Aurélie Dupont prend de la distance avec ses immenses qualités de technicienne, elle a marqué  indéniablement toute une génération de spectateurs de danse au travers des captations vidéos de grands classiques, La Belle au Bois Dormant, Don Quichotte ou la Sylphide, où son interprétation était essentiellement portée par sa technique infaillible. Quand on la voit dans la Belle au Bois Dormant aux côtés de Manuel Legris,  on se dit que c’est la captation définitive de la version Noureev.

 

Avec le départ de Manuel Legris, comme on le voit dans le documentaire Aurélie Dupont, l’espace d’un instant de Cédric Klapisch, il semble que quelque chose se soit un peu cassé chez la danseuse. Il lui manquait un partenaire d’élection. Nicolas Le Riche avec qui elle était souvent distribuée ne l’était pas vraiment. Avec Hervé Moreau, trop souvent blessé, il se passait quelque chose sur scène : à eux deux, ils créent l’illusion que le Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied est un classique instantané (ce qu’il n’est pas entre les mains d’autres interprètes). On est subjugué par la danseuse quand, le temps d’une soirée de gala au Palais des Congrès, elle se réessaie au classique pour une variation de la claque de Raymonda majestueuse ou qu’elle vole à nouveau au cou de Manuel Legris pour le pas de deux du Parc. On est moins convaincu par son incursion dans l’univers arty de Teshigawara, pourtant aux côtés de son  compagnon Jérémie Bélingard. Dernier regret: qu’elle n’est pas pu relever le défi du Lac des Cygnes avec François Alu ce printemps.

La série triomphale des Manons est juste un adieu à  un certain répertoire, celui du long ballet narratif. On la retrouvera en invitée dans l’Anatomie de la Sensation de Wayne McGregor en fin de saison et sans doute dans l’un des  nombreux programmes mixtes de la saison 2015-2016.

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