Le Théâtre Marigny rouvre ses portes après 5 années de travaux et se réinvente, dans un retour à sa première vocation, en théâtre musical, sous la baguette magique de Jean-Luc Choplin. Pour inaugurer la salle superbement restaurée, il s’appuie sur une recette qu’il a éprouvée au Châtelet, porter à la scène des classiques du film musical qu’on aurait jurés avoir été créés d’abord pour le théâtre : An American in Paris, Singin’ in the Rain ou les Parapluies de Cherbourg en sont de beaux exemples. Et quelle meilleur idée de spectacle pour fédérer les petits et les grands enfants pendant les fêtes que de transposer Peau d’Ane, l’adaptation du conte éponyme de Perrault par le pape du film musical à la française, Jacques Demy.
Aux manettes de cette féérie musicale, comme se plaît à la catégoriser Jean-Luc Choplin, l’Espagnol Emilio Sagi, avec lequel il avait déjà travaillé au Châtelet, notamment sur une production de la Mélodie du Bonheur, livre un spectacle très fidèle au matériau filmique original, mélangeant la culture française et la fascination pour Disney, et la magie du cinéma hollywoodien, le tout saupoudré d’une certaine irrévérence pop. Il a su tirer le meilleur parti des dimensions restreintes de la scène de son théâtre bonbonnière, même si les multiples changements de décors opérés par les figurants cassent un peu le rythme du spectacle. Le kitsch des décors est bien au rendez-vous (le trône chat doré, le mobilier rococo des palais), tout comme la splendeur des costumes, en particulier les mythiques robes couleur du Temps, de Lune et de Soleil.
Côté musical, Michel Legrand en personne a supervisé la réorchestration de sa partition jouée en « live » par une formation musicale réduite. L’acoustique est remarquable (à des années-lumière des stridences pénibles des productions du Théâtre Mogador) et les voix des chanteurs sont parfaitement mises en valeur, avec une mention toute spéciale à la Princesse / Peau d’Ane de Marie Oppert : on aimerait bien un bis pour l’enchanteresse Recette du Cake d’Amour et son Amour, Amour introductif est d’une pureté cristalline. Le Prince d’Olivier Fredj est un peu falot, c’est la loi du genre, mais son duo rêvé avec sa belle, en apesanteur, est une des jolies trouvailles de la mise en scène, qui nous fait fantasmer sur une potentielle adaptation chorégraphique du conte.
D’ailleurs si la danse est quasiment absente de ce Peau d’Ane, deux prestigieux représentants de cet art s’illustrent en tant qu’acteurs sur la scène, véhiculant avec eux tout un imaginaire de conte de fées qui fait partie de leur ADN de danseurs classiques. Michaël Denard se glisse ainsi dans le pourpoint du Roi, jadis porté par Jean Marais, démontrant sa science de l’occupation scénique et une diction parfaite. Marie-Agnès Gillot débute quant à elle dans l’exercice, en mère du Prince Charmant tout de rouge vêtue, comme un écho de sa dernière apparition à l’Opéra, mais cette fois-ci sur un mode joyeux.
On sort de la salle avec une folle envie de pâtisserie, d’écouter en boucle les chansons de Michel Legrand et de revoir le film de Jacques Demy.
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