Direction la plus grande salle de cinéma des Champs Elysées pour assister en direct à la représentation du 18 décembre réunissant le couple Dorothée Gilbert et Karl Paquette. Bonne surprise, la salle est quasi pleine. Je me demande ce qu’il en est ailleurs en France: j’imagine néanmoins que l’opération est rentable pour l’exploitant, car, pas dit qu’un mardi soir, même pour un gros succès du box- office, le taux de remplissage soit si bon.
On commence par un petit tour dans les coulisses avec Brigitte Lefèvre, toujours très à l’aise face aux caméras. La directrice de la danse interviewe ses deux étoiles. On apprécie la modestie de Karl Paquette, qui explique qu’il danse avec ses qualités et ses défauts, en s’attachant surtout à donner vie à son personnage sur scène, au delà d’une simple succession de prouesses techniques. On retient également qu’une fois le premier acte passé, tout est plus facile pour lui.
C’est parti pour le spectacle: aux premières loges, avec un écran géant, cela risque d’être impitoyable pour les danseurs. On a également la curieuse impression que cela ne va pas aussi vite que lorsqu’on est en live.
Je n’ai pas forcément accroché avec la Kitri incarnée par Dorothée Gilbert, mais je trouve qu’elle fait mieux ressortir les qualités de Karl Paquette que Ludmila Pagliero et globalement il semble y avoir une plus grande complicité entre eux. Sur le premier acte, Karl Paquette a vraiment dynamisé le plateau par son jeu, tout en passant très bien ses difficultés (oubliées les réceptions hésitantes de la première!). Sur l’écran en gros plan, on ne peut qu’être admiratif de la dextérité avec laquelle il manipule sa partenaire.
Au début du 2ème acte, on apprécie leur synchronisation parfaite dans le pas de deux au clair de lune, ainsi que leurs œillades énamourées. Allister Madin en gitan se taille toujours un beau succès. Au royaume des Dryades, très joli Cupidon de Mélanie Hurel.
Au 3ème acte, dans la scène de la taverne, Christophe Duquenne est fidèle à lui-même: tours impeccables qu’on l’a vu répéter en coulisses, réceptions silencieuses, beaucoup d’élégance et une belle présence en scène. Pour l’anecdote, on aperçoit en serveur Philippe Solano, le candidat « classique » de la saison 2012 de la Meilleure Danse (M6-W9). Karl Paquette est vraiment hilarant dans la scène où il simule sa mort: il s’avère un acteur convaincant, et c’est essentiel pour ce passage sur grand écran. Le grand pas de deux prodigue l’un des plus beaux moments de danse pure dans la soirée: on admire la perfection technique de Dorothée Gilbert (un équilibre final presque aussi long que celui de Mathilde Froustey, et d’une stabilité bluffante en gros plan), le partenariat remarquable de Karl Paquette, quasiment aucun tremblement perceptible sur l’immense toile.
Finalement, cette représentation filmée, à revoir sur Arte début janvier, est une belle promotion pour la qualité made in Opéra de Paris avec des danseurs emblématiques de la maison, qui ont « assuré » techniquement. Cette nécessité de réaliser une soirée sans accroc a sans doute nui à la spontanéité de l’ensemble, même si Karl Paquette, très impliqué, a crevé l’écran.
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