Benjamin Millepied avait fait entrer ce ballet  narratif de George Balanchine au répertoire en 2017, dans une production somptueuse imaginée par Christian Lacroix, inspirée par la production initiale du New York City Ballet, créée en 1962. La première partie est une fantaisie féerique suivant les péripéties de la pièce de Shakespeare sur une grosse heure de spectacle. C’est finalement presque une œuvre qui se suffit à elle-même, destinée à un large public et qui pourra faire rire et s’émerveiller les plus jeunes spectateurs. Une sorte de pendant estival à un Casse-Noisette. La 2ème partie d’une trentaine de minutes est un divertissement balanchinien abstrait, un pur plaisir de balletomane. George Balanchine met en danse avec son sens musical inégalable la musique de Felix Mendelssohn dont la célébrissime musique de scène éponyme.

Si vous n’avez jamais lu la pièce de Shakespeare, une lecture du résumé Wikipédia s’impose pour suivre les tribulations amoureuses des nombreux personnages et l’intrigue du premier acte.

Ludmila Pagliero et Paul Marque

Il y a de l’eau dans le gaz entre la reine et le roi des fées, Titania (Ludmila Pagliero) et Obéron (Paul Marque). L’objet du litige, un petit page qu’Obéron aimerait bien subtiliser à sa femme pour le mettre à son service. Avec son bouffon, l’elfe Puck (Andrea Sarri), il combine un stratagème pour arriver à ses fins. L’elfe est chargé de verser sur les paupières de Titania endormie le suc d’une fleur très rare qui la rendra amoureuse de la première créature qu’elle apercevra, en l’occurrence, dans le plan imaginé, Obéron auquel elle ne pourra plus rien refuser. Rien ne se passera tout à fait comme prévu, avec l’irruption dans la forêt de quatre jeunes gens en pleine imbroglio amoureux, les amoureux Hermia (Hannah O’Neill)  et Lysandre (Pablo Legasa), l’amoureux éconduit et fiancé officiel d’Hermia, Démétrius (Arthus Raveau), et Héléna (Laura Hecquet) qui aime Démétrius sans retour, ainsi que d’une troupe de comédiens amateurs. Les facéties de Puck, la fleur magique et le hasard perturberont l’ordonnancement des amours des protagonistes : Lysandre tombera amoureux d’Héléna, puis Démétrius également, laissant la pauvre Hermia en plein désarroi, tandis que Titania s’entichera d’un des comédiens, Bottom (Cyril Chokroun), affublé d’une tête d’âne par Puck. Finalement tout rentrera dans l’ordre, et le noble Thésée (Yannick Bittencourt) et sa fiancée, la chasseresse Hippolyte (Héloïse Bourdon), pourront inviter Hermia et Lysandre, Héléna et Démétrius à célébrer leur mariage en même temps que le leur, tandis que dans la forêt, Titania et Obéron sont réconciliés.

Andrea Sarri

La virtuosité est reine sur scène, et l’évolution de Paul Marque qui était encore timide en 2017 lors de sa prise de rôle (il était alors sujet) est spectaculaire. Sa grande variation est un moment d’anthologie et justifie le déplacement à elle seule. Sa personnalité solaire est également très à son avantage dans ce registre comique. Son association avec Andrea Sarri (mon chouchou parmi les espoirs de la compagnie) est très réussie. Ludmila Pagliero, que j’avais un peu perdue de vue cette année, s’amuse elle-aussi beaucoup sur scène, capable de faire le grand écart entre un pas de deux d’école avec son chevalier servant, Florian Magnenet (qui fait une saison impeccable), et sa version « pour rire » avec l’âne Bottom de Cyril Chokroun.

Laura Hecquet, Arthus Raveau, Héloïse Bourdon, Yannick Bittencourt

Les deux couples d’amoureux ont un peu moins à danser, et c’est bien dommage de ne plus voir Laura Hecquet qu’en pointillés. Héloïse Bourdon nous éblouit dans le très bref rôle d’Hyppolyte, dans un style tout en explosivité auquel elle ne nous avait pas forcément habitué. Le couple central du divertissement est dansé par Myriam Ould-Braham et Germain Louvet. La ballerine représente pour moi l’image même de la danseuse romantique et joue merveilleusement de cette image dans le répertoire abstrait de George Balanchine. Germain Louvet fait très bien briller cette pierre parmi les plus précieuses de l’Opéra, trouvant à ses côtés une profondeur qui lui fait parfois défaut.

Myriam Ould-Braham et Germain Louvet

Une pièce qui donne du travail à la totalité de la troupe, y compris l’Ecole de Danse, et une magnifique distribution mêlant étoiles et premiers danseurs, dont la plupart ont déjà dansé le ballet à son entrée au répertoire. Cela se sent sur scène et on voit le chemin accompli par la compagnie dans ces 5 dernières années, comme un hommage au travail accompli par Aurélie Dupont après l’annonce de sa démission.

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