Ca y est. J’ai assisté à mon premier concours de promotion, cet évènement qui suscite l’enthousiasme des amateurs de ballet compulsifs et des petits rats. La journée commence sous un beau soleil à 9h30 du matin devant l’Opéra Garnier. Première mission, récupérer une place : 15 minutes suffiront, grâce à la gentillesse d’une accompagnatrice de l’école de Nanterre (sans doute) qui a des tickets en trop. Munie de mon petit programme et d’une paire de jumelles, je me retrouve au dernier rang de l’amphithéâtre : autour de moi des parents et de jeunes danseuses. Il me semble reconnaître des visages aperçus dans le documentaire Graines d’Étoiles. Je vais pouvoir bénéficier des commentaires avisés de mes voisines. Petite frustration, du « paradis », on ne voit pas du tout le jury où les deux personnalités de la danse invitées sont John Neumeier et Benjamin Millepied. Pour les danseurs composant le jury (notamment Eleonora Abbagnato, Josua Hoffalt ou Alessio Carbone), leur progression dans la grande maison n’a pas forcément été un long fleuve tranquille : voilà qui laisse augurer d’un jugement « humain ».

C’est parti pour la classe des quadrilles. 2 postes de coryphées sont à pourvoir pour 18 candidates. La variation imposée est Célébration, une pièce de Pierre Lacotte, chorégraphiée à l’occasion du Tricentenaire de l’école française. Sa complexité permet aux candidates les plus techniques ou les plus expérimentées de se distinguer. J’ai particulièrement apprécié Leïla Dilhac (légère comme un plume), Claire Gandolfi, Hannah O’Neill et Léonore Baulac. Sur les variations libres, certaines sont parvenues à nous faire entrer dans une histoire et à susciter des émotions : c’est le cas de Leïla Dilhac dans Manon, de Claire Gandolfi dans la variation de Nikiya du 2ème acte de la Bayadère ou de Jennifer Visocchi en Esmeralda. On apprécie également la Gamzatti très maîtrisée de Hannah O’Neill. Ma candidate préférée sur cette classe est Léonore Baulac qui a vraiment une présence rayonnante sur scène : elle aussi nous sort du cadre strict du concours dans In the Middle Somewhat Elevated.

Léonore Baulac dans La Dame Aux Camélias

La classe de coryphées apparaît nettement plus homogène. Mon œil pas suffisamment averti a du mal à départager les candidates sur la Variation de la Flûte de Suite en Blanc de Serge Lifar. Sae Eun Park semble survoler les débats, Letizia Galloni est très musicale et mes petites voisines s’extasient sur le travail de pieds de Juliette Hilaire. Cette dernière nous offre pour son libre la 2ème Nikiya de la journée, et c’est plutôt réussi. Sae Eun Park est impériale dans The Four Seasons de Robbins : la première place est pour elle, c’est sûr. Elle est suivie par Aubane Philibert, qui réalise une belle interprétation d’un extrait de Clavigo de Roland Petit, et de Charlotte Ranson, qui nous offre le plus beau moment artistique de la journée en Elue dans le Sacre du Printemps de Béjart. C’est un peu dur de passer après cet instant de grâce pour les 3 dernières candidates.

13 h 40 : une heure pour déjeuner et pour se dégourdir les jambes, un peu ankylosées. Il pleut à verse, une bonne soupe semble toute indiquée. Direction Exki au coin de la rue du Hanovre et de la rue du 4 septembre. Léonore Baulac y a également trouvé refuge avec sa famille. La jeune danseuse semble avoir reçue une nouvelle qui la comble de joie : battements de mains, embrassades avec ses proches.

Amandine Albisson

Il est temps de regagner mon perchoir pour la classe des sujets, la classe reine cette année qui va concourir pour un unique poste de première danseuse, et on peut penser que celle qui y parviendra n’attendra pas très longtemps pour être nommée étoile. Au final, j’ai trouvé cette classe moins passionnante que les précédentes, la faute peut-être au choix de variation libre des candidates. 3 variations de l’Ombre des Mirages de Serge Lifar (4 en tout dans la journée), c’est beaucoup et c’est un peu tristounet. Laura Hecquet, à la danse toujours très lyrique, excellente dans l’imposé de la Valse Fantastique de Raymonda, n’a-t-elle pas pâti de cette abondance d’Ombres ? Dans un registre hyper-classique, Séverine Westermann a réalisé un très beau concours. J’ai retrouvé chez Charline Giezendanner et Sabrina Mallem le peps et la joie de danser déjà appréciés sur scène dans la Bayadère ou Don Quichotte. La tension était palpable pour les « favorites » Amandine Albisson et Héloïse Bourdon qui ont assuré. Amandine Albisson m’a semblé danser plus grand dans l’imposé, mais sur le libre, Héloïse Bourdon avait beaucoup d’autorité dans Other Dances de Jérôme Robbins, choix peut-être plus risqué que la Nikiya d’Amandine Albisson.

Et voilà le classement :
Quadrilles Femmes:
1. Hannah O’Neill ……….Promue
2. Léonore Baulac ……….Promue
3. Leila Dilhac
4. Laura Bachman
5. Jennifer Visocchi
6. Alice Catonnet
La meilleure technicienne a été récompensée. Pour Léonore Baulac, c’est également logique : régulièrement bien distribuée dans le contemporain ou dans la Dame aux Camélias (dans le rôle d’Olympia, un rôle créé pour une étoile), elle n’était plus à sa place chez les quadrilles.

Coryphées Femmes:
1. Sae Eun Park ………..Promue
Aucune majorité n’étant dégagée à l’issue du quatrième scrutin pour la deuxième place, le classement n’est pas effectué au-delà de la première place.

Là aussi, c’est la promotion de la meilleure technicienne. Sae Eun Park est déjà une soliste de très grande classe. Dommage par contre qu’aucune des autres danseuses ne bénéficie du 2ème poste à pourvoir, car le niveau était là et sur le plan artistique, elles nous ont proposé de très belles choses.

Sujets Femmes:
1. Amandine Albisson …………Promue
2. Laura Hecquet
3. Aurélia Bellet
4. Charline Giezendanner
5. Héloïse Bourdon
6. Sabrina Mallem

Rien à dire sur la promotion d’Amandine Albisson, qui s’est illustrée dans le rôle titre de la Sylphide cet été et qui sera Aurore dans la série de Belle au Bois Dormant à venir. On peut également se demander l’intérêt du concours pour les sujets. Ici le résultat ne fait qu’entériner un choix déjà fait par la Direction de la Danse au travers des distributions.

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