L’été est souvent l’occasion de découvrir des petits films que leur distributeur lance sur ce créneau moins engorgé. C’est le cas pour Yuli, réalisé par l’Espagnole Icíar Bollaín, l’adaptation de l’autobiographie de l’un des danseurs étoiles les plus remarquables de la scène internationale des années 2000, le Cubain Carlos Acosta.
Contrairement au Noureev un peu empesé sorti au mois de juin, Yuli est un film humain et extrêmement personnel. Carlos Acosta est de fait très impliqué dans ce projet : il est crédité en tant que coscénariste aux côtés de Paul Laverty, collaborateur attitré de Ken Loach, et il joue également son propre rôle dans les épisodes contemporains. Le récit se présente comme un flash-back : Carlos Acosta est en pleine répétition avec sa compagnie Acosta Danza d’une chorégraphie semi-autobiographique qu’il va présenter pour la première fois à Cuba, l’occasion de se remémorer les épisodes les plus marquants de son parcours qui l’ont conduit d’un quartier populaire de la Havane jusqu’au Royal Ballet de Londres, inscrivant son nom dans l’histoire comme premier danseur noir à interpréter Roméo. Les allers-retours entre passé et présent sont ponctués d’extraits de la chorégraphie de Carlos Acosta, échos stylisés de la narration plus classique.
La première partie du film fait immanquablement penser à Billy Elliott avec ce petit garçon bien de son temps, qui fait le show dans la rue en imitant Michael Jackson, propulsé dans l’univers de la danse classique. Le petit Carlos (Edlison Manuel Olbera Núñez, craquant), surnommé Yuli par les siens, n’est a priori pas animé par une passion débordante pour la danse en collants. C’est son père qui va le traîner à l’Ecole de Ballet de Cuba, persuadé que le don de son fils lui permettra de concrétiser une sorte de « rêve cubain », l’ascension sociale par la méritocratie, que le quotidien chaotique de la famille semble cruellement démentir. Le parcours académique de Yuli est loin d’être linéaire, et il faut toute la volonté de son père (Santiago Alfonso, père courage bourru) et d’une de ses professeurs, convaincue de son talent hors du commun, pour lui faire accepter sa vocation. La révélation viendra d’un gala donné par le Ballet National de Cuba à l’école où il est captivé par un solo du Corsaire.
Cet événement clôt plus ou moins la partie chronique familiale et sociale du film pour se consacrer à la carrière du danseur prodige (Keyvin Martínez a pris le relais dans le rôle de Carlos). Entre images d’archives de ses prestations au Prix de Lausanne dont il remporte la Médaille d’Or en 1990, reconstitution de répétitions de la Bayadère, entrée au Royal Ballet, l’interprétation de Roméo dans le Roméo et Juliette de Kenneth Mac Millan, l’amateur de ballet est comblé. Derrière la « success story », il y a cependant toujours une pointe d’amertume, le sentiment que le jeune homme a sacrifié à sa carrière ce qui compte le plus à ses yeux, sa famille et ses racines : le danseur adulé est un homme seul dans la grisaille londonienne et ce n’est que de retour à La Havane qu’il semble être pleinement heureux.
Ce qui ressort de ce film émouvant, c’est surtout le message d’amour de Carlos Acosta à son père, et toute la force de l’amour d’un père pour conduire son fils là où il n’aurait pas pensé pouvoir aller.
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