Cela faisait exactement 240 jours que je n’avais pas mis les pieds à l’Opéra Garnier et mon dernier spectacle de danse remontait à 211 jours. Autant dire que j’attendais avec une grande impatience le démarrage officiel de la saison 2020-2021, tout en croisant très fort les doigts pour qu’une annonce gouvernementale ne vienne pas gâcher une fête toute relative.

L’Opéra Garnier en configuration COVID-19

Pandémie oblige, la dernière décision du directeur sortant, Stéphane Lissner, a été d’anticiper des travaux sur la cage de scène à Garnier et de remanier de ce fait le premier trimestre de la saison avec une programmation allégée et compatibles avec les exigences sanitaires. L’ouverture de la saison pour le ballet propose deux programmes en alternance, Etoiles de l’Opéra et Noureev, compilations de pas de deux et de solos, dansés devant le rideau de scène, la fosse d’orchestre étant recouverte pour l’occasion, avec un effectif réduit d’artistes (danseurs et musiciens).

Etoiles de l’Opéra, la première de ces deux soirées, explore un répertoire de prédilection pour l’Opéra de Paris ces dernières années, un répertoire néo-classique « international ». C’est une sélection qui met les danseurs en valeur, et, comme nous sommes venus pour les retrouver, c’est une réussite sur ce plan et cela place déjà cette soirée au-dessus de la soirée inaugurale de la saison précédente, particulièrement décevante.

Clair de Lune

C’est à Mathieu Ganio, le danseur étoile le plus ancien en exercice, que revient l’honneur de réveiller le château de la Belle au Bois Dormant en inaugurant le plateau éphémère sur les notes du Clair de Lune de Debussy, interprété par Elena Bonnay. L’émotion est palpable chez le danseur, comme dans le public, une émotion plus liée au contexte particulier qu’à la chorégraphie d’Alastair Marriott. Néanmoins, c’est un bel écrin pour la plastique du danseur. Les chorégraphes invités à l’Opéra exploitent finalement assez peu Mathieu Ganio, et souvent mal : cette pièce créée hors les murs en 2017 dans le cadre d’un spectacle célébrant la danse masculine au Coliseum Theatre de Londres, Men in Motion, est donc une addition bienvenue au répertoire parisien.

Trois Gnossiennes

Sans trop de surprise, la reprise des Trois Gnossiennes de Hans Van Manen par Ludmila Pagliero et Hugo Marchand est le moment marquant de la soirée, plus que les prestations solos respectives des deux Etoiles, la Mort du Cygne et A Suite of Dances.

La Mort du Cygne

A Suite of Dances de Robbins est une pièce qui ne fonctionne pas toujours avec moi. Il y a deux ans, j’avais trouvé François Alu exceptionnel dans cette chorégraphie en forme de mise à nu du danseur, créée pour le grand Barychnikov. J’ai été moins touchée par l’interprétation de Hugo Marchand, pas assez incarnée.

A Suite of Dances

Lamentation de Martha Graham ne durait heureusement pas longtemps : Emilie Cozette semble définitivement perdue pour un répertoire plus dansant.

Lamentation

Autre retour sur scène : celui de Laura Hecquet. Ses capacités apparaissent intactes dans le White Pas de Deux de la Dame aux Camélias, même si son partenariat avec Mathieu Ganio n’a pas fait surgir la passion et l’émotion attendues, exercice toujours un peu difficile lorsque l’on sort un pas de deux du contexte du ballet.

La Dame aux Camélias

Si l’on veut faire la fine bouche, ce format de gala aurait gagné à alterner œuvres introspectives et pièces de divertissement. Cette respiration bienvenue a été offerte paradoxalement par les artistes non étoilés de la soirée, Hannah O’Neill et Vincent Chaillet qui ont interprété avec beaucoup d’esprit un extrait de Herman Schmerman de Forsythe.

Hannah O’Neill et Vincent Chaillet

Enfin, on ne peut pas évoquer ce retour à l’Opéra sans parler de l’aspect logistique. Le dispositif d’accueil du public est très rassurant : respect des règles de distanciation, gestion des sorties, durée courte (1h15) et pas d’entracte. Si vous avez pris le métro pour vous déplacer ces derniers temps, c’est 100 fois plus anxiogène que de se rendre à l’Opéra Garnier. Outre la feuille de distribution, un petit programme est généreusement mis à disposition (c’est assez inhabituel pour être signalé), le tout en libre-service à chaque étage. Le remplissage de la salle apparaît tout à fait correct et l’atmosphère, avec un public local, était bien plus chaleureuse que lors des soirées à guichets fermés.

En tout cas, cet épisode semble une belle opportunité pour l’Opéra de renouer une relation un peu abîmée avec le public parisien.

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