Généralement, le balletomane fronce les sourcils lorsqu’il doit assister à un spectacle de danse au Palais des Congrès. Mais, cela semble une évidence que le Béjart Ballet Lausanne se produise dans cette grande salle parisienne pour fêter le fondateur de la troupe, Maurice Béjart, le chorégraphe qui a fait entrer la danse dans la pop culture, sillonnant la planète et s’invitant dans les palais des sports, salles de concert  et stades.

La troupe dirigée par Gil Roman proposait un programme en 2 volets, une pièce de Gil Roman, t’M et Variations,puis un medley d’œuvres de Maurice Béjart, s’achevant en apothéose avec le Boléro.

Elisabet Ros – Photo : Béjart Ballet Lausanne / Gregory Batardon

T’M et Variations, créé en 2016 pour les 10 ans de la disparition de Maurice Béjart, envoie, à travers son titre, un clin d’œil malicieux aux Thèmes et Variations de George Balanchine. Si les deux pièces ont un point commun, à part ce titre, c’est leur volonté de fêter la danse et sa technique, et plus particulièrement ses bases classiques. Pas de déprime ou de message engagé en vue, voilà qui nous change de bon nombre de chorégraphies contemporaines. Sur un plateau nu où trône une estrade avec le duo de percussionnistes de Citypercussion (des fidèles de l’univers béjartien), les danseurs vêtus de costumes triviaux et colorés se succèdent au fils des solos, pas de deux, trios et ensembles. Ce qui emporte le spectateur, c’est avant tout l’excellence technique de l’ensemble de la troupe. Certains passages emballent plus que d’autres, par la grâce de solistes charismatiques : le solo où Elisabet Ros s’amuse avec les musiciens et ses pointes ou encore un duo masculin formidable avec Gabriel Arenas Ruiz (mon coup de cœur de la soirée) et Vito Pansini. Enfin, il y a ce curieux pastiche d’acte blanc avec les danseuses en kimono/peignoir blanc et un masque de sommeil sur la tête, plutôt amusant. Gil Roman ne trahit pas l’esprit de Maurice Béjart avec cette création sans prétention, qui, à la vocation, de rendre l’art chorégraphique accessible à un large publique.

Dibouk – Photo : Béjart Ballet Lausanne

Après l’entracte, on retrouve la troupe pour un best-of aux allures de gala de pièces clés de Béjart, Béjart fête Maurice. L’excellence globale de la troupe est à nouveau mise en valeur dans un extrait de 1789 et nous … créé à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution. Avec Héliogabale et ses pas de deux  où se mêlent inspiration tribale et technique néo-classique, c’est le Béjart provocateur qui est invité. Plus classique, le pas de deux Im Chambre Séparée est un écrin pour les deux « étoiles » de la troupe, Julien Favreau et Elisabet Ros. J’ai beaucoup aimé la poésie du duo Dibouk sur des danses traditionnelles juives. Enfin, les amoureux de la belle danse sont comblés par la virtuosité du duo masculin de Rossiniana.

Diana Vichneva – Le Boléro – Photo: Yusupov

Puis, c’est le fondu au noir, les techniciens installent la table rouge au centre du plateau et le corps de ballet masculin (symbolisant le Rythme) prend position avec ses chaises autour de la table. Le mythique Boléro peut commencer. Au centre de la table, pour incarner la Mélodie de la mythique composition de Ravel, ce n’est pas une danseuse ou un danseur du Béjart Ballet mais une étoile invitée, la Russe Diana Vichneva. Pour mon deuxième Boléro en live, après celui assez frustrant conduit par une Marie-Agnès Gillot à l’agonie en 2016 à l’Opéra de Paris, je découvre avec Diana Vichneva une vision plus sensuelle de la Mélodie : j’ai eu l’impression dans la première partie que la danseuse se cherchait, mais, lorsque les danseurs autour de la table commencent à se mettre en mouvement, la puissance de la chorégraphie emporte tout.

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