Si l’association d’Études d’Harald Lander et de deux pièces de William Forsythe faisait sens sur le papier avec l’idée d’explorer l’évolution de l’utilisation de la technique classique dans l’histoire du ballet, ce programme de rentrée s’est avéré assez déroutant.

Tout d’abord, il y a Études, le bonheur de retrouver le corps de ballet dans ce qui, au départ, ne semble qu’une démonstration des gammes de la danse classique, et se transforme peu à peu en la passionnante histoire des coulisses d’une compagnie. Au centre de l’histoire, la ballerine interprétée par Héloïse Bourdon, dont c’est le premier rôle d’étoile sous les ors du Palais Garnier. Défi réussi pour la jeune femme: non seulement, elle a été brillante techniquement, pleine d’assurance mais elle a su donner une âme à sa danse : quelle délicatesse dans ses piétinés, quel beau travail sur le haut du corps et l’art de garder son sourire tout en maîtrisant les chausse-trappes de cette chorégraphie piégeuse.

Héloïse Bourdon avec Florian Magnenet et Audric Bezard

Héloïse Bourdon avec Florian Magnenet et Audric Bezard

Elle était une classe au-dessus de ses partenaires masculins Florian Magnenet et Audric Bezard qui ont pourtant délivré des prestations très propres. D’un point de vue purement esthétique, on ne peut guère rêver paire mieux assortie que les deux premiers danseurs: tous deux ont la silhouette du danseur noble idéal et il y a un contraste intéressant entre le côté ténébreux d’Audric Bezard et la personnalité plus solaire de Florian Magnenet qui permet de dramatiser leur relation avec la ballerine. Audric Bezard introduit une énergie sauvage dans sa danse, qui paraît presque incongrue par rapport au style du ballet. Florian Magnenet lutte avec ses tours en l’air et paraît plus à l’aise avec la petite batterie et les pirouettes. Le partenariat impromptu avec Héloïse Bourdon (il devait initialement danser avec Ludmila Pagliero) est encore perfectible : on n’atteint pas la qualité vue lors de la  répétition publique (avec Héloïse Bourdon et Fabien Reveillon) dans le pas de deux romantique inspiré de la Sylphide. On apprécie également le beau travail du corps de ballet: chez les dames, on remarque notamment Laura Hecquet et Charline Giezendanner, tandis que chez les messieurs, on est ébloui par ce festival de virtuosités.

Héloïse Bourdon et Florian Magnenet

Héloïse Bourdon et Florian Magnenet

Après l’entracte, Woundwork I, réflexion chorégraphique de William Forsythe sur le pas de deux, semble curieusement manquer de saveur, et pourtant la distribution proposée est somptueuse avec les deux couples Aurélie DupontHervé Moreau et Laetitia PujolMathieu Ganio.La composition terne de Thom Willems ne transcende pas la danse et on l’a impression d’une superbe mécanique qui tourne à vide.

Avec Pas./Parts, je retrouve un peu de ce qui m’avait fascinée lors de la découverte de Limb’s Theorem en début de mois au Théâtre du Châtelet, cette dynamique de troupe, cette liberté de mouvement dans le cadre d’une chorégraphie extrêmement technique, les infinies combinaisons qui font que le spectateur ne sait pas où poser son regard. Pas./Parts apparaît plus difficile techniquement que Limb’s Theorem, création pour le ballet de l’Opéra de Paris oblige, mais sa composition est moins intrigante pour le spectateur, et la musique de Thom Willems semble relever d’un formule appliquée systématiquement et quelque peu lassante. Les danseurs, qu’ils soient étoiles ou coryphées, sont incroyablement investis. J’ai plus particulièrement retenu Sébastien Bertaud,véritable feu follet, Eve Grinsztajn et sa beauté minérale, Marie-Agnès Gillot parfaitement à l’aise dans ce registre, le magnétisme de Jérémie Bélingard et d’Audric Bezard. Ce dernier est un peu le fil conducteur de la soirée, le cha-cha-cha électronique et jubilatoire qui clôture le ballet de Forsythe répondant à la tarentelle explosive d’Etudes.

 

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