Le concours de promotion 2017 a été décalé de novembre à mars, a priori pour éviter les cadences infernales aux danseurs du corps de ballet, pris entre les spectacles de la fin d’année et la préparation de leurs variations libre et imposée. Au final, cette première semaine de mars correspond également à un pic de charge puisque pas mal de danseurs sont sur deux fronts avec Onéguine à Garnier et le programme Millepied – Béjart à Bastille.

Côté invités du jury, on restait dans la famille avec Angelin Preljocaj, le chorégraphe du Parc, un habitué, et Eric Quilleré, nouveau directeur du Ballet de l’Opéra de Bordeaux et ancien de la maison. Myriam Ould-Braham et Laura Hecquet faisaient partie des membres du jury issus du ballet.

Je n’ai pu assister qu’à la journée de samedi, celle des hommes, traditionnellement plus calme que celle des femmes et avec des résultats moins sujets à polémique.

Concours Femmes (2 mars)

Chez les quadrilles, la promotion de Bianca Scudamore qui rayonnait dans le Spectacle de l’Ecole de Danse dans the Vertiginous Thrill of Exactitude sonne comme une évidence. Elle est accompagnée par Caroline Osmont, qui faisait partie des jeunes danseuses remarquées dans le Blake Works I de William Forsythe, toujours lui. Naïs Duboscq, qui abordait en parallèle avec beaucoup d’assurance son premier rôle de soliste sur la scène de Garnier avec Olga dans Onéguine, a raté le coche.

The Vertiginous Thrill of Exactitude - William Forsythe

The Vertiginous Thrill of Exactitude – William Forsythe (Bianca Scudamore à gauche)

Chez les coryphées, Roxane Stojanov, qui apparaît souvent à son avantage dans le corps de ballet, poursuit une progression logique. Aubane Philbert, une « ancienne » déjà, habituée des variations et divertissements des grands classiques, devient également sujet : le corps de ballet n’a pas besoin que de solistes en puissance, il lui faut aussi des cadres.

La polémique de cette année tournait autour de la non-attribution du poste de première danseuse (et d’une sombre histoire de blocage de la promotion de Charline Giezendanner désignée par le vote de ses pairs). De toute façon, il y a déjà pléthore d’étoiles féminines, et de facto, avec la programmation de la saison prochaine et les chorégraphes invités qui choisissent leurs interprètes sans tenir compte de la hiérarchie, être première danseuse ou sujet ne devrait pas changer grand-chose. Marion Barbeau est quasiment autant distribuée (voire plus) que Muriel Zusperreguy par exemple.

Concours Hommes (3 mars)

Les variations libres choisies par les candidats étaient très diverses, avec une confirmation des tendances 2016, Noureev reste le chorégraphe le plus utilisé avec 6 occurrences, Pierre Lacotte fait jeu égal avec Roland Petit (3 apparitions) et Jerome Robbins n’a plus la cote que chez les sujets qui voient sans doute dans le concours une sorte d’audition pour la saison prochaine.

Classe des Quadrilles hommes

1. Axel Magliano (promu)
2. Simon Le Borgne (promu)
3. Isaac Lopes-Gomes
4. Andrea Sarri
5. Giorgio Foures
6. Julien Guillemard

2 postes de coryphées étaient à pourvoir. Comme l’an dernier, 11 candidats figuraient sur la liste des inscrits, et, malheureusement Antonio Conforti qui faisait partie des favoris ne s’est pas présenté sur scène. La variation imposée était la variation de James dans l’acte I de la Sylphide dans la version Pierre Lacotte, une bonne façon d’évaluer la petite batterie et le style français des jeunes danseurs. A défaut d’être un véritable juge de paix, cette variation met bien en évidence les différences de maturité entre les danseurs, notamment dans l’occupation de l’espace, la qualité des réceptions et des pirouettes et l’élévation de la petite batterie.

Le jury a fait preuve de constance par rapport à l’année précédente, si l’on enlève Chun-Wing Lam blessé, les 3 premiers figuraient dans le même ordre, juste derrière les 2 promus, au classement 2016. Personnellement, j’aurais néanmoins placé Andréa Sarri en tête de cette classe. Son libre sur la Fille Mal Gardée version Spoerli était un petit bijou de précision et avec lui, on a déjà l’impression d’être au spectacle et pas à un concours.

Simon Le Borgne dans la piscine remplie de balles vertes

Simon Le Borgne dans la piscine remplie de balles vertes de Play

Simon Le Borgne, avec l’imposée, rappelle sa capacité à aborder un registre plus classique, tandis qu’avec Pas./Parts de William Forsythe, il valorise ses qualités de soliste « contemporain », dans la lignée de ses distributions régulières dans des rôles de premier plan sur des créations : voilà un artiste singulier qui n’est pas destiné à végéter au fond du corps de ballet.

Axel Magliano a pris des risques avec la variation d’Albrecht de l’acte Il de Giselle dansé avec du panache et un ballon impressionnant. Il rappelle un peu Jérémie Bélingard.

Je retiendrai également sur cette classe l’interprétation sensible de la variation lente de Siegfried dans le Lac des Cygnes par Léo de Busserolles (peut-être le seul vrai prince de cette classe) et la fougue de Giorgio Fourès sur la variation du Prince Désiré dans le dernier acte de la Belle au Bois Dormant.

Classe des Coryphées hommes

1. Francesco Mura (promu)
2. Pablo Legasa (promu)
3. Thomas Docquir
4. Hugo Vigliotti
5. Mickaël Lafon
6. Alexandre Gasse

2 postes de sujets étaient à pourvoir. J’adore la variation de Lenski dans Onéguine, choisie pour l’imposée, mais, en concours, elle semble bien longue, et rare sont les danseurs qui l’ont habitée avec conviction.

Hugo Vigliotti a fait preuve de ses talents d’acteur, mais, on ne peut pas dire que ce soit une variation qui l’avantage, contrairement à un Thomas Docquir qui y valorise ses lignes parfaites.

Ce sont Francesco Mura et Antoine Kirscher qui m’ont le plus convaincue dans l’exercice. D’ailleurs, l’absence du classement d’Antoine Kirscher est assez étonnante : son Solor était loin d’être déshonorant et bien enlevé. Francesco Mura mérite, quant à lui, totalement sa place, avec un Basilio comme au spectacle.

Pablo Legasa était le favori de cette classe (il aurait d’ailleurs très bien pu monter devant Paul Marque l’année précédente), et il a assuré sa promotion sans brio excessif sur la Mazurka d’Etudes de Lander.

Il faut également remercier Hugo Vigliotti et Yvon Demol de nous permettre de voir du Roland Petit sur la scène de Garnier avec leurs variations libres, Frédéri dans L’Arlésienne et Don José dans Carmen.

Classe des Sujets hommes

1. Paul Marque (promu)
2. Jérémy-Loup Quer
3. Marc Moreau
4. Daniel Stokes
5. Allister Madin
6. Fabien Révillion

Cette année, nous sommes typiquement dans une situation où le Concours ne semble pas se justifier pour les sujets, sauf peut-être en tant qu’une sorte d’audition pour la saison prochaine et qu’espace d’expression individuelle pour Sébastien Bertaud et Allister Madin.

Sauf blessure, la probabilité était pour ainsi dire nulle que Paul Marque ne devienne pas Premier Danseur, sachant qu’il est déjà distribué en tant que tel depuis 1 an.

Marion Barbeau et Paul Marque

Marion Barbeau et Paul Marque

Nous avons donc eu droit à 7 variations de Des Grieux face à une Manon désespérément absente. A ce petit jeu, Paul Marque, dont la qualité de danse est un poème à elle seule, Marc Moreau, très précis techniquement et convaincant dans le jeu face à une scène vide, et Jérémy-Loup Quer, moins précis peut-être mais avec la fougue d’un jeune amoureux, se sont démarqués.

En variation libre, Paul Marque est un brillant Jean de Brienne dans la variation de l’acte III de Raymonda. Marc Moreau m’a séduite dans Other Dances de Jerome Robbins, peut-être plus que Jérémy-Loup Quer (en dépit de son costume minimaliste) dans la variation de l’Automne des Four Seasons du même.

Aucun n’a démérité, dans le registre qui est le sien, même si l’on sent bien que, pour certains, tels Fabien Révillion, les chances de passer Premier Danseur un jour deviennent infimes.

Petit constat de fin de journée : les premiers de chaque classe le sont avec une variation ultra-classique, ce qui ne semble pas en adéquation avec la programmation de la saison à venir. Faut-il y voir une possible inflexion vers un retour à plus de classique à moyen terme ? Ou un simple écran de fumée?

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