Pour la première fois, l’Opéra de Paris ouvrait au public les portes de son Ecole de Danse à Nanterre à l’occasion des Journées du Patrimoine. Cette visite d’1h30, ouverte sur réservation pour des raisons évidentes de sécurité,  a surtout été l’occasion de se plonger dans un patrimoine artistique bien vivant, celui de l’Ecole de Danse Française tricentenaire.

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Coincée entre le RER Nanterre Préfecture et le parc André Malraux, l’œuvre architecturale de Christian de Portzamparc se fond sans vraiment dénoter dans un quartier d’immeubles, d’administrations et de bureaux dominé par les tours de la Défense et les tours Aillaud de la cité Pablo Picasso : il faut bien dire que l’environnement apparaît un peu sinistre sous le ciel gris de ce samedi après-midi de fin d’été, et on imagine le désarroi des élèves qui quittent leur famille parfois très jeunes (dès 8 ans) pour pouvoir vivre leur passion. Heureusement, dès que l’on pénètre à l’intérieur du bâtiment, on a l’impression d’entrer dans un cocon chaleureux et protecteur sous le signe de la danse où rien n’échappe au regard attentif et bienveillant de Monsieur Ben, l’un des assistants d’éducation bien connu des afficionados des reportages sur l’Ecole de Danse.

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Nous entrons par la grande verrière autour de laquelle s’articulent les 3 espaces de l’école, l’espace dédié à la scolarité, l’internat et l’espace artistique avec sa salle de spectacle et ses 12 studios de danse. Dans le vaste hall cathédrale, quelques canapés confortables en cuir, un écran sur lequel passe les démonstrations de l’Ecole à l’Opéra Garnier et le spectacle de la saison dernière, des baby foots donnant sur le parc, sous le profil de Vaslav Nijinsky dans le Spectre de la Rose dont le portrait géant orne l’un des murs. Partout aux murs, des toiles, des affiches ou des photos qui célèbrent la danse.

C’est la responsable du stage d’été qui nous guide à travers les trois espaces de vie des élèves. Ils sont actuellement 67 filles et 55 garçons répartis en 6 divisions couvrant une plage d’âge de 8 à 18 ans. L’organisation de la scolarité doit être un peu « sport ». La salle de classe que nous visitons accueille ainsi la plus petite division, la 6ème, qui regroupe les niveaux correspondant aux CE1, CE2 et CM1. En ce début d’année scolaire, ils ne sont que deux dans la classe. Ils seront rejoints en novembre par les élèves qui ont passé la dernière audition. L’enseignement est axé sur la vocation artistique des élèves avec un accent mis sur la littérature et l’histoire de l’art, sanctionné en fin de cycle par un bac littéraire. Pas de place pour les cancres dans cette école : si l’on n’obtient pas son brevet des collèges, on ne peut pas continuer. L’école s’enorgueillit de 100% de mentions au bac.

L’internat est organisé en étages filles et garçons. Dans chaque chambre, 3 petites cellules ont été aménagées avec un coin bureau, ce qui garantit un minimum d’intimité. A chaque étage, des coins détentes avec jeux de société, tisanes. Sur les portes, un code couleur indique l’heure d’extinction des feux, 20h30 pour les petits, 22h30 pour les autres et une permission de sortie jusqu’à 22h30 pour les grands (1ère division).

La visite se conclut par une rencontre avec Elisabeth Platel, la directrice de l’Ecole, dans  le bâtiment dédié à la danse, sans doute le plus spectaculaire, avec son escalier monumental en hélice qui dessert les studios de danse, un bâtiment extrêmement lumineux. En sous-sol, on trouve une salle à usage de studio et de salle de gymnastique et de musculation ainsi qu’une vraie salle de spectacle qui sert de cadre aux auditions, aux examens de fin d’année et aux répétitions. L’inclinaison de la scène est de 2 à 3%, rappelant l’inclinaison de la salle de Garnier à 5%. Dans les étages supérieurs, on retrouve de vastes studios largement ouverts sur la ville et sur le parc. Nous avons la chance de pouvoir entrevoir un cours donné par Eric Camillo à une classe mixte composée de danseuses et de danseurs de 2ème division qui ont accepté de rester ce week-end pour prendre des cours, afin de ne pas présenter une école vide aux visiteurs. Il faut savoir que la plupart des élèves internes rentrent dans leur famille le week-end, et pour ceux dont la famille est trop loin, notamment les étrangers, ils ont une famille d’accueil en région parisienne.

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Les échanges avec Elisabeth Platel, pendant une bonne demi-heure, sont passionnants, abordant sa vocation de pédagogue, l’organisation de l’école et le lien avec la compagnie mère.

Issue d’une famille d’enseignants et inspirée par son professeur au Conservatoire National de la Danse, Christiane Vaussard, c’est dès l’âge de 25 ans qu’Elisabeth Platel a commencé à enseigner son art. Il n’était pas rare que, lorsque les professeurs étaient en retard à l’Opéra, les autres danseurs lui demandent de faire la classe, ce qu’elle faisait, grâce à son excellente mémoire, à la manière du professeur en question. Elle a l’intime conviction, et elle a manifesté dans la rue en tutu pour cela, que, si tous les danseurs ne font pas d’excellents professeurs, l’enseignement de la danse doit rester aux danseurs. En l’écoutant, on sent que sa mission à la tête de l’Ecole de Danse, qui lui a en quelque sorte été transmise par Claude Bessy, est presque un sacerdoce. Il y a un souci du bien-être des enfants et adolescents, qui va jusque au choix de justaucorps adaptés à l’évolution de la morphologie des jeunes danseuses. Elle est attentive à l’ouverture artistique de ses danseurs, l’objectif ultime n’est pas que d’avoir une technique impeccable, c’est de « devenir quelqu’un sur scène » : une loge à Garnier et six places à Bastille sont réservées aux 1ère, 2ème et 3ème divisions lors des générales des spectacles pour qu’ils puissent nourrir leur réflexion.

A la tête de l’Ecole, l’étoile est témoin et actrice de l’évolution du monde de la danse : fini l’amateurisme d’il y a quelques années où se présentaient aux auditions des enfants qui croyaient postuler pour entrer au cours de danse du coin, les candidats et leurs parents savent désormais parfaitement à quoi ils s’engagent. La mondialisation s’invite aussi à l’école tricentenaire : dans la classe que nous observons, il y a un jeune Espagnol très prometteur engagé comme stagiaire l’an dernier sur audition avec la directrice et qui a réussi l’examen de fin d’année face au jury, et une danseuse italienne qui a fait toutes ses classes à Nanterre. Les échanges avec les écoles du Royal Ballet, du Ballet du Danemark ou encore du Ballet de Hambourg, notamment de professeurs, sont fréquents.

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Le début d’année scolaire des petits rats est extrêmement chargé, entre les représentations de la Belle au Bois Dormant de Ratmansky où ils accompagnaient le corps de ballet de l’American Ballet Theatre et les répétitions en cours du Défilé dont les distributions sont affichées sur le tableau de service. Au passage, on note un courrier de la nouvelle Directrice de la Danse, Aurélie Dupont, où elle souhaite une bonne rentrée aux élèves et au corps enseignant, taclant au passage subtilement son prédécesseur : « loin de moi l’idée de vous considérer comme la relève, car sa définition exacte est remplacer une équipe, une troupe par une autre, mon souhait est davantage de continuer, grâce à Elisabeth Platel et ses équipes, d’apporter et d’ajouter de nouveaux talents à la compagnie de l’Opéra. »

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