Très courte soirée de danse avec ce programme consacré à Maurice Béjart réunissant 3 pièces marquantes du chorégraphe sur de puissantes partitions, qui offre un écrin idéal aux solistes du Ballet de l’Opéra. Il est frappant de constater comment une véritable star comme Maurice Béjart parvenait à laisser de la place à ses interprètes, alors que la plupart des chorégraphes contemporains les font disparaître ou les anonymisent derrière de lourds dispositifs scéniques. Si Maurice Béjart n’utilise pas d’artifices, la scénographie dépouillée des œuvres du soir n’en est pas moins spectaculaire et happe le spectateur.
On commence la soirée avec l’Oiseau de Feu créé pour l’Opéra avec Michaël Denard dans le rôle-titre. Sur la partition de Stravinsky, Maurice Béjart transforme le conte traditionnel russe qui sert d’argument au ballet princeps de Diaghilev en une pièce chorégraphique à connotation «révolutionnaire» qui entrait en résonnance avec les luttes contemporaines de la création (1970). Pour cette série, en alternance avec Mathieu Ganio, le rôle du leader charismatique est confié à des premiers danseurs ou solistes. Ce soir, c’est Francesco Mura qui effectue son retour au premier plan après une période en pointillés pour cause de blessure. Il offre une interprétation habitée, c’est un danseur dont j’apprécie particulièrement la précision, la beauté du placement qui ne donne jamais une impression de joliesse scolaire, on ressent quelque chose de viscéral dans sa danse. Dans le groupe des partisans galvanisés par l’Oiseau tout de rouge vêtu, ressortent Fabien Révillion, Florimond Lorieux ou encore Alice Catonnet.
J’avais été éblouie par le Chant du Compagnon Errant lors de la soirée Hommage à Patrick Dupond à l’Opéra Garnier, et par l’association magnétique de Germain Louvet et Hugo Marchand. J’ai trouvé le temps un peu long aujourd’hui. L’acoustique de l’Opéra Bastille ne rend pas franchement justice au lied poignant de Mahler. Florent Melac a certes de très belles lignes mais je trouve que l’association avec Hugo Marchand ne fonctionne pas totalement. Il est vrai que Germain Louvet était exceptionnel dans le rôle du jeune homme en quête de mentor. La chorégraphie de Béjart a besoin de stars pour prendre sa pleine mesure.
Enfin, j’ai découvert le Boléro de Dorothée Gilbert qui aborde seulement le rôle. Si le début ne m’a pas embarquée immédiatement, dans la 2ème moitié, c’est incroyable et la communion entre la salle, la danseuse et le cops de ballet masculin (on remarque notamment Fabien Révillion, Axel Magliano et le toujours excellent dans cet exercice, Adrien Couvez) est un moment assez particulier à vivre. Ces 16 minutes d’éternité méritent à elles seules le déplacement, et, si la petite heure de danse pour 40 minutes d’entracte est frustrante, on voit mal quelle autre pièce aurait pu trouver sa place au côté de ce trio d’œuvres fortes.
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