L’année dernière, la question était de savoir qui de François Alu ou Hugo Marchand serait la première étoile masculine nommée depuis 2012 (et l’accession au titre suprême de Josua Hoffalt), et j’aurais volontiers misé quelques pièces sur Hugo Marchand, moins spectaculaire dans sa technique mais meilleur partenaire et plus mis en valeur par le répertoire des dernières saisons. Finalement, c’est Germain Louvet qui était venu les coiffer au poteau fin décembre, de façon un peu prématurée peut-être. Il aura fallu attendre à peine 3 mois pour qu’Hugo Marchand le rejoigne à la faveur de la tournée du Ballet de l’Opéra de Paris au Japon et du remplacement de Mathieu Ganio dans le rôle de James dans la Sylphide, dansé avec Amandine Albisson.
C’est une nomination qui ne souffre aucune contestation car cela fait un peu plus de deux ans maintenant qu’Hugo Marchand impose sur la scène de l’Opéra sa prestance, son charisme, sa belle technique alliant puissance physique et élégance, le tout avec un sens du partenariat et une maturité artistique étonnantes pour un jeune artiste.
Si, chez les femmes, Léonore Baulac était la figure de proue de la génération Millepied, Hugo Marchand en est le danseur phare. Dès décembre 2014, après un été studieux avec une belle médaille de bronze au Concours international de ballet de Varna et une promotion au rang de sujet au concours interne de promotion, il se voit confier son premier grand rôle, le double rôle de Drosselmeyer et du prince, dans Casse-Noisette, un défi relevé avec brio tant sur le plan du jeu (son Drosselmeyer est tout à fait crédible avec la part de mystère et d’ambiguïté dans la relation avec Clara qui fait tout l’intérêt de la version Noureev) que sur le plan de la technique.
Bref, je suis sortie de ce Casse-Noisette bien décidée à ne pas manquer les prochaines sorties du danseur, et je n’ai pas été déçue. Chose plutôt rare pour un sujet, il a l’opportunité de danser, la même saison, le rôle de Des Grieux dans l’Histoire de Manon avec en tant que partenaire, rien moins que celle qui est un peu la première des étoiles aujourd’hui à l’Opéra, Dorothée Gilbert. Une unique soirée pour des sommets d’émotion et de passion sur scène. On se dit que l’on tient un grand partenariat, que l’on retrouve toujours aussi intense dans la Bayadère fin 2015 et dans Roméo et Juliette au printemps 2016.
A côté de ces grands rôles dramatiques qu’il habite totalement, il est aussi mis en avant sur des créations. Dans Clear, Loud, Bright, Forward, Benjamin Millepied chorégraphie un pas de deux pour les deux danseurs qu’il estime le plus accomplis dans la nouvelle génération, Léonore Baulac et Hugo Marchand. Il y a aussi le Blake Works I de Forsythe qu’il éclabousse de sa classe ou l’entrée au répertoire de la Symphonie des Psaumes de Jirí Kylián où il accompagne, signe qui ne trompe pas sur la cote d’un danseur, une autre grande ballerine, Marie-Agnès Gillot.
Si l’élégance de l’école de danse française est bien présente chez Hugo Marchand, il n’en est pas pour autant un clône de Mathieu Ganio, et son physique athlétique (il est très grand et plutôt costaud) et sa force d’incarnation dramatique ferait plutôt chercher des similitudes du côté de la Russie, d’un Vladislav Lantratov ou d’un Denis Rodkin, espoir du Bolchoï qui explose à la même période. Il est le héros romantique, mais il peut être aussi Spartacus ou Quasimodo. Un seul petit regret : sa nomination à l’autre bout du monde nous prive du plaisir d’assister à cet évènement.
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