Quel bonheur de démarrer la saison non pas avec un programme mixte, souvent inégal, mais avec un classique indépassable tel que Giselle! Pour cette entrée en matière, c’est le couple Léonore Baulac et Marc Moreau qui ranime la flamme de l’histoire d’amour tragique entre la jeune paysanne et Albrecht, l’aristocrate désinvolte puis repenti. Les 2 étoiles sont tous deux d’excellents partenaires et ils ont réussi à s’accorder avec de nombreux autres danseurs de la maison. Mais, physiquement et artistiquement, leur association est peut-être la bonne idée à cultiver pour les prochaines saisons, en particulier pour Léonore Baulac qui a souvent apporté son instinct de comédienne et un certaine passion à des partenaires en déficit de maturité artistique. Ils sont accompagnés par Jérémy-Loup Quer, un habitué du rôle d’Hilarion, et d’Héloïse Bourdon, dont l’autorité naturelle fait merveille dans le rôle de Myrtha, la reine impitoyable des Wilis.

Au premier acte, il y a une véritable alchimie qui se développe entre les deux artistes. J’avais découvert l’Albrecht de Marc Moreau face à Bleuenn Battistoni, il est ici sensiblement différent, plus sincère dans son amour et protecteur de la Giselle à fleur de peau de Léonore Baulac. Il n’est pas sciemment malhonnête avec elle, il est submergé par des sentiments qui sont plus forts que le chemin tracé par sa naissance, et, sans le coup de théâtre déclenché par Hilarion, le prétendant éconduit, on a le sentiment que ce n’est qu’une question de temps pour qu’il dévoile la vérité à Giselle.
Il y a des Giselle primesautières et insouciantes au premier acte, Léonore Baulac n’est pas de celles-là. On la sent déjà fragile, lorsqu’elle se laisse conter fleurette sur le banc. Elle est encore terrienne, mais il y a déjà un peu de la Wilis en elle, une quête d’absolu qui fait d’elle bien plus qu’une petite paysanne que l’on séduit avant de l’abandonner. Cette Giselle me fait beaucoup penser à celle de Myriam Ould-Braham, si émouvante dans ce rôle. Dans la scène de la folie, Léonore Baulac donne toute la mesure de son talent d’interprétation : rien ne semble forcé et cette scène, d’une modernité surprenante dans un ballet romantique, fait écho au travail de la danseuse dans les pièces de Pina Bausch.
Le premier acte est également marqué par la prestation plein d’allant de Bianca Scudamore et de Nicola di Vico dans le Pas de Deux des Paysans. En particulier, la danseuse australienne éblouit par le raffinement de son travail de pointes. Qu’elle stagne au rang de sujet depuis 6 ans maintenant, avec peu d’opportunités sur scène, est une énigme pour moi, car c’est une soliste de haute volée.





Le deuxième acte dégage une magie toute particulière en ce début de saison, c’est sans doute ce que l’Opéra de Paris fait de plus beau et on est toujours mystérieusement ému lorsque Myrtha fait son entrée, semblant flotter sur la brume, ou lorsque le corps de ballet éthéré des Wilis se regroupe autour de la croix qui orne la tombe de Giselle pour adouber leur nouvelle sœur, surgie des entrailles du plateau. Marc Moreau est poignant : sa prise de rôle a moins de deux ans, mais l’on ressent combien il a assimilé la technique et a pu enrichir son interprétation. Il y a une forme de plénitude dans chacun des pas de deux avec Léonore Baulac, chaque geste est chargé de sens (notamment lorsqu’il ramasse ces quelques fleurs laissées par le spectre de Giselle pour se convaincre qu’il n’a pas rêvé ou la douceur de chacune des prises). On espère que ce partenariat sera renouvelé cette saison, pourquoi pas dans le Parc ou la Dame aux Camélias.
A signaler, parmi les nouveautés de la saison, la disparition de la petite fiche papier. Sur les écrans du théâtre, on a un QR code à scanner pour récupérer la distribution, ou vous recevez un SMS avant le spectacle pour accéder au document.
Distribution du 28 septembre 2025