Myriam  Ould-Braham,  c’est un peu l’archétype de la ballerine classique, donc Giselle est  un rôle qui semble une évidence dans son parcours d’étoile. Ce soir, elle est associée au partenaire avec lequel elle développe la plus belle complicité,  Mathias Heymann.  Ces deux grands discrets allient à merveille leur sensibilité à fleur de peau et  elle le met en confiance sur scène.

Myriam Ould-Braham et Mathieu Ganio

Myriam Ould-Braham et Mathieu Ganio

Le premier acte de Giselle n’est pas forcément leur terrain de prédilection avec sa pantomime  prépondérante: heureusement,  il y a François Alu pour les faire sortir de leurs gonds. Il apporte infiniment plus dans le rôle d’Hilarion pour l’économie dramatique  du ballet que dans le pas de deux des paysans. Quel présence scénique !  Et quelle capacité à rendre lisible l’histoire !  Avec lui pas besoin de jumelles. C’est un danseur extraordinaire, et, paradoxalement, c’est avec son jeu d’acteur qu’il captive ici. On n’en dira pas autant de Mathias Heymann, prince noureevien égaré chez les villageois et amoureux transi sans épaisseur, qui n’a pas assez de matériel chorégraphique pour briller dans cet acte. L’intérêt dramatique naît du contraste de personnalités entre les deux prétendants au cœur de Giselle, de l’affinité naturelle que l’on perçoit entre Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann et de la fragilité de la ballerine. Il y a en quelque sorte adéquation entre le physique et la technique de Myriam Ould-Braham et son incarnation de Giselle : on comprend dès son entrée sur scène que sa délicatesse la place au-dessus de sa condition et de ses pairs, on ressent avec elle la douleur de poitrine qui obscurcit la joie de la fête des vendangeurs et la scène de la folie est l’ultime manifestation de cette fragilité physique et nerveuse.

Le premier acte est également marqué par Eléonore Guérineau et Pablo Legasa dans le pas de deux des paysans, sans doute le duo le mieux assorti dans cet exercice des trois vus. C’est un des mérites de Benjamin Millepied dans sa courte direction d’avoir mis en lumière Eléonore Guérineau, une ballerine de poche au physique assez éloigné des canons de notre époque qui prise la maigreur extrême. Sa danse est vive comme l’eau, explosive, rapide et délicate à la fois. A ses côtés, Pablo Legasa livre une performance élégante, belle démonstration du style français.

Hannah O'Neill

Hannah O’Neill

Au deuxième acte, Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann sont dans leur royaume.  Ce royaume, il leur faut le partager avec Hannah O’Neill, sublime reine des Wilis, et François Alu, Hilarion qui vend chèrement sa peau. Entre la variation majestueuse de Myrtha, un très grand moment de danse, l’entrée très émouvante de Myriam Ould-Braham et son intronisation par Myrtha (avec le contraste visuel entre la douce blonde et la brune implacable), la mort d’Hilarion, très spectaculaire, et les variations de Mathias Heymann si belles et si musicales, le cœur du spectateur fait des bonds. On chipotera en disant que les pas de deux manquent un peu de prise de risques mais les entrechats six de Mathias Heymann, incroyables d’élévation et de sentiment, balaient ces réserves.

Charline Giezendanner, François Alu, Myriam Ould-Braham, Mathias Heymann et Hannah O'Neill

Charline Giezendanner, François Alu, Myriam Ould-Braham, Mathias Heymann et Hannah O’Neill

Sans doute la distribution la plus homogène de la série mêlant intelligemment les étoiles et les talents de la nouvelle génération pour un classique qu’on aimerait revoir chaque année pour une courte série.

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