L’ambiance du concours femmes n’a rien à voir avec l’atmosphère presque familiale du concours hommes. La ballerine règne bien sur l’univers de la danse et le public, deux fois plus nombreux que la veille, est impatient de découvrir les futures souveraines du Palais Garnier. On ressent beaucoup de tension chez les jeunes femmes qui sont pour la plupart hyper crispées voire raides au moment d’attaquer la variation imposée : il est vrai qu’avec 1 place seulement par classe, la moindre erreur se paye comptant.
Cette année, comme chez les hommes, pleins feux sur Noureev avec 3 variations extraites de ballets qui devraient être repris sur scène la saison prochaine, Don Quichotte et la Belle au Bois Dormant, deux ballets qui font partie de la légende de la nouvelle Directrice de la Danse, Aurélie Dupont. Un coup d’œil sur la fiche de distribution permet de constater que Robbins n’a plus autant la cote chez les danseuses, seulement 6 apparitions contre 10 l’an dernier, même si ses chorégraphies restent les plus utilisées devant Noureev (5 variations). Régime aussi du côté de Balanchine (3 contre 6). Les choix du jury cette année devrait influencer ces tendances : un tiers des danseuses choisira-t-il encore une variation contemporaine les prochaines saisons ?
Classe des Quadrilles femmes
La pièce de William Forsythe, Blake Works I, a permis de se faire une idée des forces en présence dans cette classe. Marion Gauthier de Charnacé, Amélie Joannidès, Eugénie Drion et Caroline Osmont paraissaient avoir les meilleures chances.
La variation de la 6ème fée du prologue de la Belle au Bois Dormant a mis en difficulté une moitié des candidates, notamment Awa Joannais qui revit un concours cauchemardesque après celui de l’an dernier. Caroline Osmont est pour moi celle qui a donné le plus de vie et d’esprit à cette variation. J’ai également beaucoup apprécié les passages d’Eugénie Drion et Camille Bon. Sur la variation libre, les quadrilles se sont montrées audacieuses en choisissant des chorégraphes contemporains que l’on s’attendrait plutôt à retrouver chez les sujets. Si In the Middle Somewhat Elevated dansé par Sofia Rosolini et Caroline Osmont ou le Grand Pas de Twyla Tharp pour Marion Gautier de Charnacé se sont avérés des respirations bienvenues pour le spectateur après la litanie des variations imposées, ce n’était pas forcément un pari gagnant quand la direction attend essentiellement des danseuses à ce grade une technique classique sans faille. A l’instar de Thomas Docquir la veille, c’est le beau travail classique de Camille Bon dans le Grand Pas Classique de Victor Gsovsky qui a été récompensé pour son premier concours.
Le classement
1. Camille Bon promue
2. Claire Gandolfi
3. Ambre Chiarcosso
4. Caroline Osmont
5. Camille de Bellefon
6. Amélie Joannidès
Classe des Coryphées femmes
Dans cette classe, ce devait être, ce ne pouvait être que Letizia Galloni. Le hic, c’est que la jeune femme semble perdre le contrôle pendant le concours, alors qu’elle est distribuée comme un sujet depuis deux saisons maintenant et qu’elle s’est vue confiée des rôles de premier plan par Benjamin Millepied. Elle survolait la variation d’Aurore, assez platement interprétée jusque-là par les autres candidates, et puis assez inexplicablement la chute très spectaculaire qui arrache un cri d’horreur à la salle. Elle a réussi à reprendre le fil de cette variation comme si de rien n’était, mais le mal était fait, et son libre de bonne tenue sur la Nuit de Walpurgis de Balanchine n’a rien pu y changer. Entre deux concours, on avait un peu oublié Alice Catonnet montée l’an dernier et qu’on avait découvert en 2014 dans un extrait de la Source lors d’une soirée Jeunes Danseurs. C’est une danseuse qui s’inscrit peut-être dans la lignée d’une Myriam Ould-Braham, très douce, romantique avec une danse poétique. Elle a livré le concours le plus équilibré avec une variation des Emeraudes de Balanchine de la plus belle eau, moins flamboyante peut-être que Roxane Stojanov dans Bhakti III de Béjart. Sa promotion s’inscrit tout à fait dans la logique de ces deux journées de concours. On n’oubliera pas de mentionner Charlotte Ranson pour laquelle le concours se vit comme un véritable spectacle.
Le classement
1. Alice Catonnet promue
2. Letizia Galloni
3. Roxane Stojanov
4. Sophie Mayoux
5. Jennifer Visocchi
6. Juliette Hilaire
Classe des Sujets femmes
Quand Héloïse Bourdon sera-t-elle première danseuse? C’est le leitmotiv depuis plusieurs années et depuis 2 ans, la danseuse conquérante sur scène ne livre pas une performance conforme à son standing le jour J. Non seulement, la variation imposée, variation de Dulcinée dans Don Quichotte, est dansée la peur au ventre, mais le choix malencontreux du libre, extrait de la Maison de Bernarda, au demeurant interprété avec conviction, sonne un peu comme un aveu d’impuissance. Pourquoi ne pas assumer pleinement ce qu’elle est, une grande danseuse classique?
Sae Eun Park a fait tout le contraire : elle a choisi de miser sur ses qualités, quitte à ne pas être originale. Sa rapidité et son ballon presque surnaturel qui donne envie de « bravoter » dans la loge font mouche dans une variation de Paquita époustouflante et lui offre le statut de Première Danseuse. Espérons maintenant qu’elle sera mieux distribuée. Je crois très fort en son partenariat avec Arthus Raveau et elle pourrait aussi solutionner la problématique de l’alter ego technique à associer à François Alu.
Mon choix personnel se serait plus porté sur Marion Barbeau : c’est la seule qui incarnait Dulcinée dans la variation imposée, elle semblait à peine effleurer le sol de ses pointes et sa diagonale de ballonnés était de toute beauté. Sa 2ème variation extraite du Other Dances de Robbins était également une petite merveille de musicalité et de sensibilité. Eléonore Guérineau était aussi à un haut niveau, ce qui devrait continuer de lui assurer de bonnes distributions.
Le classement
1. Sae-Eun Park promue
2. Marion Barbeau
3. Eléonore Guérineau
Les candidates suivantes ne sont pas classées.
Pour son premier Concours en tant que Directrice, Aurélie Dupont a opté, avec l’aide de son jury, pour le classicisme. Les danseurs qui ont été mis en avant avaient tous choisi une variation classique et leur technique semble encore primer sur leur personnalité artistique. A voir comment ces choix se traduiront dans la programmation des prochaines saisons et les distributions.
Mots Clés : Alice Catonnet,Amélie Joannidès,Awa Joannais,Camille Bon,Caroline Osmont,Charlotte Ranson,concours annuel,Eléonore Guérineau,Eugénie Drion,Heloïse Bourdon,Letizia Galloni,Marion Barbeau,Marion Gautier de Charnacé,Roxane Stojanov,Sae Eun Park,Sofia Rosolini
Letizia Galloni et Héloïse Bourdon peuvent tomber autant qu’elles veulent dans un concours où elle n’ont pas leur place et qui ne ressemble à rien, elles seront toujours au plus haut niveau d’admiration pour le public qui se déplace pour les voir danser et paye quand elles dansent