Après Genus, l’Anatomie de la Sensation et Alea Sands, le Britannique Wayne McGregor revient à l’Opéra de Paris avec Tree of Codes, une pièce créée en 2015, en collaboration avec le DJ remixeur Jamie xx et le plasticien danois Olafur Eliasson, pour les danseurs de sa compagnie et les danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris dans le cadre du Manchester International Festival. Tree of Codes fait référence à l’œuvre de Jonathan Safran Foer, objet littéraire non identifié que le romancier a écrit en faisant des couper-coller du texte d’un recueil de nouvelles de Bruno Schulz, The Street of Crocodiles (The Street of Crocodiles). Pas de panique, le potentiel mal de crâne que laisse augurer la source d’inspiration du chorégraphe n’aura pas lieu. S’il y a un lien, il est à trouver dans la façon dont les artistes font émerger une création totalement originale à partir d’un matériel existant : le vocabulaire chorégraphique classique dynamité par Wayne McGregor, l’art du sampling et du remixage pour Jamie xx, les jeux sur la lumière, sa couleur, sa réflexion sur des surfaces de type et de formes diverses pour Olafur Eliasson.

Tree of Codes

© Joel Chester Fildes

Parmi les suiveurs de William Forsythe et de son travail sur la déconstruction du ballet classique et l’analyse quasi scientifique des capacités des corps dansants, Wayne McGregor est sans doute le chorégraphe qui a poussé le plus loin l’exploration des limites physiques de ses interprètes, s’appuyant sur un processus créatif mêlant neuroscience et technologies. Mais, contrairement à Forsythe chez lequel l’on sent toujours une réflexion distanciée sur son art et une volonté d’interroger le spectateur pendant et après la représentation, Wayne McGregor est davantage premier degré dans ses intentions, jouant la carte du spectaculaire dans des scénographies ultra léchées. Tree of Codes ne fait pas exception à la règle, avec un recherche systématique de l’effet choc, conviant le spectateur à un véritable « trip » électro-accoustique, visuel et cinétique.

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Dès les premières notes de la composition électro et la danse scintillante, sur la scène plongée dans l’obscurité, des diodes fixées sur les corps des danseurs, je me suis immergée totalement dans l’univers futuriste du ballet. Ces danseurs me font penser aux réplicants de Blade Runner, une impression renforcée par le contraste entre la modernité de la musique et de la scénographie et les dorures du Palais Garnier sculptées par la lumière qui rappelle le mélange fascinant entre les néons et les vestiges Art Déco du Los Angeles futuriste mis en images par Ridley Scott. Certains passages impriment plus que d’autres les rétines dans ce kaléidoscope géant, où la danse n’est qu’une composante d’une expérience globale. Marie-Agnès Gillot est toujours impressionnante dans ce registre, notamment dans un duo avec Julien Meyzindi. Jérémie Bélingard, même un peu boudiné dans son shorty, conserve un indéniable magnétisme. Dans la troupe de Wayne McGregor, on repère particulièrement Daniela Neugebauer et Louis McMiller. Le final, avec les battements de la musique qui s’accélèrent en même temps que les danseurs sont amenés aux limites de leur endurance et transcendent leur fatigue, tandis que les spectaculaires “dispositifs optiques” modifient notre perception de l’espace scénique et des corps en mouvements , laisse le spectateur groggy. Dans le genre “installation artistique incluant la danse au Palais Garnier” très en vogue depuis quelques saisons, Tree of Codes remporte la palme haut la main.

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