Si la programmation d’ouverture de la saison était dévolue au corps de ballet, la soirée Balanchine était la véritable rentrée des solistes de la troupe, avec sur scène pas moins de 10 étoiles et 5 premiers danseurs, pour un programme mixte conséquent à défaut d’être parfaitement digeste.
Et qui dit rentrée, dit, pour le spectateur,  le plaisir de retrouver ses danseuses et danseurs favoris et, pour les artistes, un retour sous les feux de la rampe avec la perspective de faire des prises de rôles enrichissantes, d’approfondir leur art et de rencontrer le public.

C’est justement un peu le problème de cette soirée Balanchine : on a plus l’impression de rembobiner la cassette au début de l’été, avec l’entrée au répertoire de Brahms-Schönberg Quartet repris pour cette soirée et la venue du New York City Ballet au Châtelet, que de démarrer une nouvelle saison. Peut-être les danseurs ont-ils un peu le même sentiment ? En tout cas, on ne sentait pas sur le plateau la même énergie galvanisante qui était palpable lors de la création de Crystal Pyte le mois dernier.

Mozartiana

Mozartiana

Mozartiana, découvert aux Etés de la Danse interprété par la star du New York City Ballet, Sara Mearns, faisait son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris. J’ai eu l’impression de voir une toute autre pièce. Les New-Yorkais atténuaient le  côté légèrement désuet de cette pièce, qui utilise la Suite n°4 de Tchaïkovski orchestrée à partir de plusieurs œuvres courtes de Mozart, en y insufflant de faux airs de pastorale du XVIIIème siècle. La version parisienne est plombée par une gravité compassée et le tout m’a semblé manquer de peps.

Dorothée Gilbert danse parfaitement, mais il manque un peu de vie et de sentiment dans l’exécution. Dans le numéro virtuose du danseur de gigue, j’ai également été déçue par François Alu. Où est passé le danseur qui hypnotisait le public dimanche dernier à la Philharmonie en ressuscitant le Faune de Nijinski? On a l’impression qu’il a été chloroformé. Il faut attendre l’entrée en scène de Josua Hoffalt pour voir un danseur inspiré par la chorégraphie de Balanchine, c’est vif, léger et aérien comme de la chantilly et d’une musicalité parfaite.

Sonatine

Sonatine

Sonatine, pas de deux sur la pièce éponyme de Ravel que Balanchine créa en 1975 pour deux étoiles françaises du New York City Ballet, Violette Verdy, disparue début 2016 et à laquelle la soirée était dédiée, et Jean-Pierre Bonnefoux, était ensuite repris par le magnifique duo Myriam Ould-Braham / Mathias Heymann.  Un beau moment que cette parade amoureuse autour du piano d’Elena Bonnay Myriam Ould-Braham révèle une certaine sensualité qu’on ne lui connaissait pas forcément face à Mathias Heymann à la fois timide dans l’interprétation et éblouissant dans sa danse.

Brahms-Schoenberg Quartet

Brahms-Schoenberg Quartet

Après le premier entracte, on retrouvait le Brahms Schoenberg Quartet quelques mois seulement après son entrée au répertoire. J’aime toujours autant ce ballet avec son ambiance fin d’empire austro-hongrois, le romantisme de la partition de Brahms dans les 3 premiers mouvements et le pittoresque du 4ème mouvement d’inspiration tzigane. Les coups de cœur et les bémols sont toujours un peu les mêmes.

Brahms-Schoenberg Quartet

1er mouvement

Dans le 1er mouvement, Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio ne semblent pas avoir grand-chose à nous raconter, et la mystérieuse deuxième soliste, Ida Viikinkoski, leur vole la vedette, tout comme le corps de ballet masculin où figure la fine fleur des danseurs qui vont concourir le 4 novembre pour l’unique poste de premier danseur.

2ème mouvement

2ème mouvement

Amandine Albisson et Stéphane Bullion dans la continuité de leur performance de l’été ont encore peaufiné leur duo passionné du 2ème mouvement avec des portés qui semblent irréels et un vrai échange avec les trois demi-solistes, Emile Hasboun, Lucie Fenwick et Camille de Bellefon.

3ème mouvement

3ème mouvement

Dans le 3ème mouvement, il y avait aussi beaucoup d’esprit et de prise de risque pour le duo Mélanie Hurel / Arthus Raveau. Si Arthus Raveau est un peu fébrile dans le partenariat, il a été magique dans les solos.

4ème mouvement

4ème mouvement

Josua Hoffalt, décidément en grande forme, dynamitait le plateau dans le Rondo Alla Zingarese final aux côtés d’une Alice Renavand à laquelle la fin de l’ère Millepied semble promettre un peu plus que d’être une égérie de la danse contemporaine à l’Opéra.

Violin Concerto

Violin Concerto

La soirée se concluait de façon étonnante par le ballet le plus exigeant pour le spectateur. Violin Concerto fait partie de la veine Black and White de Balanchine, celle de Agon ou encore Duo Concertant, s’appuyant sur les compositions musicales de Stravinsky. J’avoue être généralement un peu décontenancée par ces ballets, notamment parce que la musique de Stravinsky n’est pas forcément facile à apprécier à la première écoute pour le béotien, et ce soir, cela a fonctionné instantanément pour moi grâce aux deux couples qui se partagent les 2 pas de deux centraux de la pièce, Marie-Agnès Gillot, qui a retrouvé tous ses moyens, associée à Hugo Marchand, presqu’une étoile déjà, et surtout Eleonara Abbagnato et Audric Bezard dont la théâtralité dépasse le cadre a priori abstrait du ballet. Dans le Capriccio conclusif où le chorégraphe mélange les influences du folklore de sa Russie natale à des éléments plus jazzy, ils sont rejoints par un corps de ballet joueur au diapason de ses solistes, très chaleureusement applaudis par un public bien discret jusque là.

Au final, cette soirée Balanchine s’est avérée cohérente dans sa conception mais inégale dans l’exécution, avec une impression de léger réchauffé et aussi l’immense mérite de remettre en lumière Marie-Agnès Gillot et Eleonora Abbagnato.

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