Autant le dire tout de suite, Signes, ce n’est pas forcément ma tasse de thé. J’ai été le voir essentiellement par curiosité:
– Carolyn Carlson était passionnante lors de la rencontre du jeudi à Bastille consacrée à la reprise du ballet,
– c’est la dernière prise de rôle d’Agnès Letestu, ballerine classique idéale,
– Agnès Letestu et Stéphane Bullion, c’est un des partenariats phares de l’Opéra, et après Signes, il ne nous restera plus que la Dame aux Camélias pour les admirer avant le départ d’Agnès Letestu,
– Stéphane Bullion a apparemment séduit la chorégraphe qui ne l’avait pas retenu pour le corps de ballet dans la précédente reprise.
Avis aux rationnels purs et durs, passez votre chemin. Ici, on explore la poésie du sourire au travers de 7 œuvres monumentales du peintre Olivier Debré. Il faut voir ce spectacle comme une gigantesque exposition animée par le corps de ballet, avec une musique «lounge» en fond, plus que comme un véritable ballet.
La genèse de la pièce est à ce titre intéressante : Olivier Debré est arrivé avec un carton à dessins chez Brigitte Lefèvre pour lui proposer de faire un ballet avec ses toiles. La chorégraphe Carolyn Carlson n’a été impliquée que dans un deuxième temps à l’initiative de la directrice de la danse, et a sollicité le compositeur autodidacte René Aubry. Cela se ressent dans l’œuvre dont l’intérêt est plus pictural que chorégraphique ou musicale. Il y a néanmoins quelques clins d’œil à la danse et à son histoire, qui légitime ce ballet dans le répertoire de l’Opéra de Paris : homophonie entre Signes et Cygnes (je soupçonne que quelques spectateurs s’attendaient à une relecture moderne du Lac des Cygnes), héritage de l’Après-Midi d’un Faune (la Loire remplace la cascade, la prépondérance du décor, la fresque égyptienne qui prend vie à la manière des attitudes chorégraphiques de Nijinski inspirées des figures des vases grecs).
Dans les septs tableaux, j’ai plus particulièrement apprécié le dynamisme et l’énergie japonisante (?) des Moines de la Baltique, les couleurs de Maduraï, curieux mélange entre l’Inde et l’Egypte, et enfin le pas de deux, l’Esprit du Bleu. Ce pas de deux exploite réellement les capacités des deux étoiles et c’est un vrai moment de danse à l’état pur au cœur du ballet : l’alchimie entre Agnès Letestu et Stéphane Bullion est tout simplement parfaite.
Parmi les autres membres du corps de ballet qui s’illustrent dans la soirée, on repère Aurélien Houette, Vincent Cordier, Caroline Bance et surtout Adrien Couvez, mystérieux et félin en moine « ninja » et hilarant en divinité indienne (ou égyptienne ?).
C’est au final une soirée où l’on n’a pas le temps de s’ennuyer (1h20 sans entracte), une expérience visuelle mémorable qui aurait mérité un accompagnement musical plus brillant et qui n’est peut-être pas suffisamment généreuse pour les danseurs.
Mots Clés : Adrien Couvez,Agnes Letestu,Carolyn Carlson,Signes,Stéphane Bullion