Après West Side Story cet hiver, le Théâtre du Châtelet continue de surfer sur la vague des adaptations/transpositions du Roméo et Juliette de Shakespeare pour renflouer ses caisses en accueillant le Romeo + Juliet du britannique Matthew Bourne. Le grand public en France connaît le travail de Matthew  Bourne à travers la scène finale de Billy Elliot où le héros devenu adulte et ayant réalisé son rêve s’apprête à rentrer en scène dans la peau d’un des cygnes de la relecture « gay friendly » du Lac des Cygnes  du chorégraphe. Pour son Romeo + Juliet, Matthew Bourne conserve la musique de Prokofiev, réorchestrée pour l’occasion, mais sa version, contrairement à son Swan Lake, prend de grandes libertés avec l’histoire des amants de Vérone. West Side Story s’avère à ce titre une adaptation bien plus fidèle.

Romeo + Juliet – Le décor unique du Verona Institute

Pas de haine ancestrale entre familles/gangs rivaux ici, l’action est transposée au Verona Institute, une maison de redressement qui abrite des jeunes gens (garçons et filles) en rupture de ban ou en proie à des troubles psychologiques ou sexuels (ou en tout cas perçus comme tels par une société répressive). On repère dans les ensembles des personnages inspirés de Mercutio (Harry Ondrak-Wright)  et Benvolio. Dans cet univers carcéral, l’un des gardiens Tybalt (Cameron Flynn), particulièrement violent, a jeté son dévolu sur la jeune Juliet (Hannah Kremer) qu’il poursuit de ses assiduités non désirées avant de la violer. Parallèlement, le Sénateur Montague, un ambitieux politicien, et son épouse confient leur fils turbulent Romeo (Rory MacLeod) à l’institution, sans doute pour étouffer un scandale. Le fils de bonne famille est un peu malmené dans ce milieu inhospitalier. La soirée/bal de promo de l’institut est l’occasion pour lui de se faire de nouveaux amis et de tomber amoureux de Juliet. Entre deux retrouvailles clandestines dans les coursives de l’établissement carcéral (coucou la scène du balcon !), les deux jeunes gens rêvent à un avenir meilleur et s’apprêtent à consacrer leur amour, avec la complicité de leur co-détenus. Malheureusement, la cérémonie surprise par Tybalt tourne mal, une mutinerie éclate, le maton homophobe tue Mercutio avant de succomber lui-même des mains de l’ensemble du groupe, ivre de vengeance, mené par Romeo et Juliet. Une semaine après les faits, les coupables sont à l’isolement. Romeo, le privilégié, aurait cependant l’occasion de sortir puisque le séjour payé par ses parents touche à son terme. Il préfère simuler la folie pour pouvoir rester au plus près de Juliet. Les deux amoureux parviennent à se retrouver à l’infirmerie et, alors qu’ils s’apprêtent à consommer leur amour, Juliet est rattrapée par le trauma du viol subi de la part de Tybalt. En proie à une hallucination, elle poignarde Romeo qu’elle prend pour Tybalt.

On l’aura compris : nous n’avons pas affaire à une version « intellectualisée » de Roméo et Juliette mais à un spectacle qui reprend allégrement les codes de la littérature ou des séries estampillés « young adults ». C’est plutôt distrayant, mais on a, comme le sentiment, qu’à force de vouloir être malin, le livret passe à côté de la passion et de l’émotion. Du côté de la chorégraphie, cela reste simpliste : nous sommes plus du côté des comédies musicales à la mode que de la sophistication de Jerome Robbins. Cela reste néanmoins un bon divertissement qui pourra donner envie à des adolescents de découvrir la musique de Prokofiev.

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