Les Etés de la Danse accueillent cette année le San Francisco Ballet qui avait inauguré ce festival il y a 10 ans. Pour ces trois semaines de danse hébergées par le Théâtre du Châtelet, la programmation est pléthorique avec 18 représentations pour autant d’œuvres présentées : aucun des programmes mixtes à l’affiche n’est donc identique. Compagnie classique américaine oblige, la part belle est faite aux classiques de George Balanchine et Jerome Robbins qui côtoient la production du directeur artistique de la maison, Helgi Tomasson, disciple de Robbins, et des œuvres de chorégraphes néo-classiques en vogue dont Christopher Wheeldon, Alexei Ratmansky ou encore Liam Scarlett, le tout destiné à plaire à un public supposé moins avant-gardiste que le public parisien.
Pour mon unique incursion au Châtelet, j’avais retenu le programme plutôt classique de la matinée du 12 juillet.
Dans l’Allegro Brillante de Balanchine sur le Concerto pour piano n°3 de Tchaïkovsi, on est frappé par l’énergie athlétique qui se dégage des 5 couples de danseurs en scène. Là où l’Opéra de Paris dans le même répertoire va jouer sur l’harmonie du style et des physiques (quitte à engendrer un ennui distingué), l’intérêt naît justement ici de la disparité des danseurs recrutés aux quatre coins de la planète. C’est l’occasion pour la star du SFB, Maria Kochektova, de nous éblouir avec une vitesse d’exécution assez remarquable.
Le Solo de Van Manen réunissant 3 solistes représentant un même homme (selon la note d’intention figurant dans le programme) n’a pas dépassé l’intermède virtuose plaisant.
On pourra tout juste reprocher à cette première partie de ne pas laisser d’images durables en tête.
Quelques semaines seulement après la reprise de Dances at a Gathering à Garnier, In the Night sur des nocturnes de Chopin s’inscrit clairement dans la même veine créative pour Jerome Robbins. In the Night, c’est un peu comme si les protagonistes de Dances at a Gathering avaient grandi. Sur fond d’un ciel étoilé, à l’occasion d’un bal dans la haute société, trois couples s’isolent, illustrant différents états amoureux : l’amour naissant est incarné par le duo Mathilde Froustey et Ruben Martin Cintas, l’amour passion par Sofiane Sylve et Titi Helimets et enfin l’amour orageux par Sarah Van Patten et Luke Ingham. C’est surtout le deuxième couple qui a retenu mon attention : Sofiane Sylve fait à la fois preuve de lyrisme et de fulgurance, et le contraste avec la blondeur glacée de son partenaire est superbement romantique.
Au Robbins version 70’s succède Glass Pieces, une pièce très 80’s portée par des extraits de composition de Philip Glass. On quitte un environnement bucolique et romantique pour se plonger dans une atmosphère très urbaine. Sur un fond quadrillé qui n’est pas sans rappeler le visuel des génériques de Saul Bass (qui a d’ailleurs collaboré sur West Side Story de Robbins), se croisent les danseurs à différentes moments de la journée : la diversité des physiques et des origines des danseurs du SFB se prête particulièrement à la représentation d’une grande métropole cosmopolite. Ainsi, j’ai cru reconnaître le début d’une journée de travail dans le quartier des affaires ou encore un premier rendez-vous. A l’insouciance des jeunes gens de Dances at a Gathering a fait place le stress et la solitude (paradoxale au milieu de la foule) de la vie citadine, traduits par une gestuelle plus heurtée. Le duo Yuan Yuan Tan – Damian Smith est mon coup de cœur de cette matinée.
La découverte à travers le SFB de la danse classique made in America est en tout cas passionnante pour se faire une idée du style et des idées que Benjamin Millepied, émule de Robbins comme Helgi Tomasson, pourrait apporter à notre ballet parisien.
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