La Mégère Apprivoisée est dans l’air du temps : après l’enthousiasmante adaptation chorégraphique imaginée par Jean-Christophe Maillot pour le Bolchoï, place cette fois sur la scène du Châtelet à Kiss Me Kate, l’un des fleurons du musical de Broadway de l’après-guerre, porté par les mélodies imparables de Cole Porter, qui joue brillamment avec la comédie de Shakespeare.

Agitation dans les coulisses

Agitation dans les coulisses

Fidèles à la technique de mise en abyme utilisée par Shakespeare (un lord engage une troupe pour jouer la Mégère et mystifier un pauvre ivrogne), les librettistes Bella et Samuel Spewack plongent le spectateur dans les coulisses de la création d’une adaptation musicale de la Mégère réunissant Fred Graham et Lili Vanessi, un ex-couple de stars, dont les relations orageuses sur scène sont le reflet de leurs chamailleries dans la vraie vie. Côté coulisses, le vaudeville dans les loges du théâtre se mélange à la fantaisie policière avec l’incursion de deux gangsters loufoques (évoquant irrésistiblement Laurel et Hardy) dans l’intrigue et aux numéros de  music-hall mettant en scène la vie de la troupe. Côté scène, l’adaptation de la Mégère a de faux airs d’opérette sur fond de carte postale rétro d’Italie, tout en laissant la part belle au matériel théâtral originel. Un mélange improbable qui s’avère pourtant très digeste. La mise en scène de Lee Blakeley, un habitué du Châtelet pour lequel il travaille régulièrement, passe avec élégance et fluidité d’un univers à l’autre, et comme d’habitude dans cette salle de spectacle, on apprécie le soin apporté à l’ensemble de la production, des décors aux costumes, une promesse d’évasion garantie pour le spectateur.

Francesca Jackson et ses boys

Francesca Jackson et ses boys

Si l’on veut chipoter, on dira que les scènes de boulevard / vaudeville réunissant Fred, Lily et son richissime fiancé Harrison sont les temps faibles du show, car leur rythme et leurs dialogues paraissent ternes à côté de ceux de la vraie Mégère  qui, dans la bouche de Christine Buffle et de David Pittsinger sonnent d’une façon étonnamment musicale. Les jeux de mots nombreux dans les répliques du barde de Stratford trouvent un écho dans l’inventivité et l’esprit des paroles des chansons composées par Cole Porter. Les numéros dansés et chantés tels que le jazzy et sensuel « Too Darn Hot » mettant en scène la pause des artistes sur les toits du théâtre qui introduit le 2ème acte ou encore l’hymne à l’amour de la starlette de Broadway, « Always True To You In My Fashion », où Francesca Jackson prend de faux airs de Marylin, insufflent une énergie contagieuse.

 

Le plateau vocal est de grande qualité que ce soient pour les artistes de pure comédie musicale (Francesca Jackson, Allan Burkit ou encore Fela Lufadeju) ou du côté des chanteurs de formation classique que sont Christine Buffle et David Pittsinger. On est envoûté par la voix de baryton-basse de David Pittsinger, particulièrement émouvant dans « So In Love », et j’avoue avoir versé une petite larme.

 

Heureusement tout est bien qui finit bien, avec les retrouvailles des deux amants terribles, et l’on retrouve le sourire avec l’hilarant « Brush Up Your Shakespeare »qui explique que la clé de l’amour se trouve dans l’œuvre de Shakespeare. Décidément, Jean-Luc Choplin et son équipe sont bien les maîtres du grand spectacle populaire et sophistiqué à la fois.

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