Dorothée Gilbert dansant Giselle avec Hugo Marchand, c’était une première sur la scène de l’Opéra Garnier, et découvrir un nouveau chapitre de leur association artistique qui fait l’unanimité chez les spectateurs et pas toujours à la direction de la danse, qui plus est dans un ballet emblématique du répertoire parisien, dans un des grands rôles de Dorothée Gilbert, c’était l’événement à ne pas manquer de la fin de saison chorégraphique à Paris, peut-être même devant la prise de rôle et les adieux d’Alice Renavand sur cette même série de représentations.

Si le deuxième acte, même dansé par une compagnie de second ordre, me fait toujours vibrer, j’avoue que le premier acte s’avère plus aléatoire. Parfois, je suis complètement dans l’histoire, et parfois pas du tout (et peu importe le talent des solistes).

Alors, oui, Dorothée Gilbert est une des plus belles Giselle  que l’on pourra voir sur la scène internationale, sa variation avec la diagonale de ballonnés ou la scène de la folie sont de petits chefs d’œuvre. Mais Dorothée Gilbert faisait un peu tout sur le plateau: c’est magnifique, mais la plus belle pierre précieuse a besoin d’un entourage pour pleinement éblouir. Le corps de ballet manquait singulièrement de vie, la carte postale pastorale ne s’animait pas sous nos yeux. Quel contraste avec la troupe enthousiaste vue la veille dans le Songe d’une Nuit d’Eté à Bastille.

Fabien Revillion livre une interprétation subtile d’Hilarion, très touchant dans ce rôle d’amoureux éconduit, et pas dans la caricature de l’homme fruste. Hugo Marchand n’a pas grand-chose à danser, mais là aussi Albrecht est finalement très humain et presque pardonnable. C’est sa deuxième série de Giselle : en 2020, avant le COVID, il abordait Albrecht pour la première fois avec Amandine Albisson. Je le sens curieusement un peu moins « vivant » face à la Giselle de Dorothée Gilbert, dont le jeu est moins naturaliste que celui d’Amandine Albisson.

Le pas de deux des paysans était également une déception, surtout du côté du danseur. Jack Gasztowtt est un très beau danseur, mais, à mon avis, son style puissant n’est pas forcément adapté à ce registre. Cela manque de rapidité et de musicalité. La comparaison est très dure avec François Alu, Pablo Legasa, Germain Louvet ou Francesco Mura qui ont dansé le rôle sur les dernières reprises. C’est un moment essentiel pour l’équilibre de l’acte et pour faire battre plus fort le cœur du spectateur à l’instar de celui de Giselle, sur le petit nuage de son premier amour, quelques minutes avant de découvrir la « trahison » d’Albrecht. Ce soir, la danse paraît plate et scolaire.

Le début du deuxième acte est exceptionnel, car Hannah O’Neill est une Myrtha magistrale, sans doute la danseuse qui m’a le plus marquée dans ce rôle, à la fois esprit et reine. Elle flotte littéralement sur scène, lors cette longue entrée avec une diagonale sur pointes, un moment suspendu, avant de s’envoler très haut dans les sauts. Elle règne sur le corps de ballet féminin de l’Opéra, jamais aussi beau que dans les actes blancs du grand répertoire classique.

Le duo Dorothée GilbertHugo Marchand prend sa pleine mesure, chaque geste a un sens, les portés sont tout en délicatesse. L’émotion est enfin au rendez-vous.

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