A l’occasion des fêtes de fin d’année, deux « musicals » dans la grande tradition anglo-saxonne se disputent les faveurs du public parisien. Le Théâtre Mogador et Stage Entertainment ont dégainé Cats un grand divertissement familial tandis que le Théâtre du Châtelet propose Singin’ In The Rain, une adaptation très classe du film de Stanley Donen et Gene Kelly. Analyse comparative des deux spectacles.

Le matériau d’origine

Cats

Stage Entertainment reste fidèle à sa stratégie de franciser des hits internationaux du musical : Sister Act, Mamma Mia, les musicals Disney ou encore le Bal des Vampires.

Cats, un des grands succès  d’Andrew Lloyd Weber, le pape du musical britannique, tranche un peu dans cette liste : inspiré par un recueil de poèmes de T.S. Eliot, mis en scène par Trevor Nun, directeur de la Royal Shakespeare Company, c’est un produit de la culture populaire qui a quelques prétentions intellectuelles.

Singin’In The Rain

Au Châtelet, Jean-Luc Choplin poursuit son travail d’exégète amoureux de la grande comédie musicale classique. Comme pour un Américain à ParisSingin’ in The Rain est d’abord une comédie musicale de l’âge d’or hollywoodien transposée à la scène. Mais, contrairement à un Américain à Paris, s’il s’agit bien d’une création mondiale, ce n’est pas le premier passage à la scène du film mythique de Stanley Donen et Gene Kelly.

Le livret

Cats

Il n’y a pas vraiment d’intrigue. Le fil conducteur est la réunion annuelle de la tribu des Jellicle Cats dans une décharge publique. Au cours de cette nuit très spéciale, le patriarche de la tribu, le vieux Deutéronome, désignera le chat qui rejoindra le paradis félin pour y démarrer une nouvelle vie. Ce fil conducteur est prétexte à un patchwork de scénettes illustrant quelques archétypes de la gente féline. Les amoureux des chats seront aux anges.

Les chansons sont adaptées des poèmes de T.S. Eliot. Le tube de ce musical est Memory immortalisé par Barbra Streisand, la ballade mélancolique de Grizabella, la chatte glamour, star déchue, qui évoque son passé glorieux.

Singin’In The Rain

Parmi les atouts majeurs de ce musical, une histoire simple et efficace située dans l’usine à rêves hollywoodienne au moment du passage du muet au parlant. Don Lockwood et Lina Lamont forment un couple  star du cinéma muet mais pas un couple à la ville, au grand dam de Lina. Leur partenariat professionnel va se lézarder sous l’effet conjugué de l’avènement du cinéma parlant et d’une jolie apprentie actrice, Kathy Selden, doublure voix de Lina (qui a une voix de crécelle), qui va faire chavirer le cœur de Don.

Les tubes du duo de la MGM, Freed et Brown, rythment cette production, au nombre desquels l’inusable Singin’ in the Rain.

Le show

Cats

Un seul décor pour  Cats, celui de la décharge publique au  clair de lune. Pour en avoir plein les yeux, on se tournera donc plutôt vers le maquillage et les costumes qui donnent une identité propre à chaque Jellicle Cat, le tout teinté d’une esthétique très 80’s, légèrement revue au goût du jour.

Les musicals présentés à Mogador sont en VF. On n’en voit pas forcément l’intérêt, si, comme c’est le cas ici, on ne comprend goutte à ce qui est raconté : mauvaise diction des chanteurs ou plus probablement une sono bien trop forte qui fatigue à la longue. Les extraits en anglais vus sur le web semblent beaucoup plus plaisants. En VF, je ne retiendrai que la Chanson du Vieux Deutéronome et Memory superbement interprété par Prisca Demarez et qui m’a arraché quelques larmes.

Cats, c’est surtout un spectacle où l’on danse beaucoup. Les ensembles sont particulièrement impressionnants et auraient mérité un plateau plus grand. Le numéro dansé le plus enthousiasmant est celui du chat magicien Mistoffelees, une vraie variation de danseur classique : Axel Alvarez, passé par l’Ecole de Danse de l’Opéra et la Royal Ballet School, y est brillant. Il contribue à redonner du rythme à une deuxième partie beaucoup plus réjouissante pour le spectateur. J’avoue néanmoins que le record de longévité de Cats dans le West End et à Broadway m’a laissée perplexe.

Singin’In The Rain

La production du Châtelet est un régal pour les yeux, avec aux manettes un grand nom de la mise en scène, Robert Carsen qui livre un travail où la sobriété le dispute à l’élégance, secondé par Anthony Powell (un des collaborateurs de Roman Polanski) aux costumes et Tim Hatley à la scénographie.

Le spectateur est promené dans le Hollywood des années 20, des plateaux de tournage aux avant-premières en passant par les fêtes des producteurs et le studio de post-production, le tout avec une fluidité quasi-cinématographique. L’exploitation par Robert Carsen de l’écran de cinéma et du medium filmé  est particulièrement astucieuse puisqu’elle transforme le public du Châtelet en figurants spectateurs des avant-premières des productions Lockwood – Lamont.

La musique et la danse s’allient parfaitement avec une alternance de numéros enjoués (formidable Make ‘em Laugh ou le ballet final millimétré) et de passages plus intimistes et romantiques, servis par une troupe chevronnée, la cerise sur le gâteau étant la reprise du cultissime numéro de claquettes de Gene Kelly, une instant de théâtre magique avec la vraie pluie qui tombe sur scène.

C’est tellement bien que ça va être repris à Broadway.

En images

La galerie photos de Cats

La galerie photos de Singin’In The Rain

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