Le programme du Spectacle de l’Ecole de Danse est généralement un modèle de bon goût, dont devrait vraiment s’inspirer la Direction de la troupe des « grands ». 2018 n’échappe pas à la règle, avec cette année une dominante que je qualifierais de néoclassicisme lyrico-abstrait.

Suite de Danses

Avec Suite de Danses, œuvre très Opéra de Paris, chorégraphiée en 1913 par Ivan Clustine, maître de ballet de l’institution, place aux tutus blancs vaporeux et à la belle et grande technique classique de l’école française au service d’une pièce abstraite portée par un pot-pourri de musiques de salon de Frédéric Chopin. S’il n’y a pas de narration, les jeunes danseurs parviennent à insuffler l’atmosphère d’une soirée de bal dans leur interprétation, et, l’on sent déjà chez le couple de solistes, Jeanne Palayret et Aurélien Gay, la capacité à proposer autre chose qu’une exécution scolaire des pas : leur pas de deux est dansé avec sensibilité, et c’est une des images que je garderai de cette matinée du 15 avril. Les ensembles étaient bien en place, et il y a un enthousiasme d’être sur scène et de présenter le travail accompli, que l’on ne perçoit pas autant dans le corps de ballet de la compagnie sur ce type de registre.

Un Ballo

Le programme se poursuit avec une pièce de Jirí Kylián, toujours sur la thématique du bal, Un Ballo, créé en 1991 pour la compagnie « junior » du Nederlands Dans Theater. On est dans la veine plutôt consensuelle et classique de Jirí Kylián. Sur des compositions de Ravel, un menuet, le Tombeau du Couperin, et la Pavane pour une infante défunte, où le musicien revisite les danses de cour du XVIIème siècle, le chorégraphe s’amuse lui aussi avec les codes du bal en société. Le rideau s’ouvre sur une scène dans la pénombre, éclairée par des lignes de bougies. Emergeant de la brume en fond de scène, trois couples vont se succéder pour interpréter un pas de deux. On retrouve avec plaisir Daniel Lozano Martin qui avait déjà fait forte impression au spectacle de l’année dernière et dont le charisme est assez bluffant, qui se joue des portés avec sa partenaire Lucie Devignes. Dans la seconde partie, 5 couples partagent la scène pour une chorégraphie d’ensemble très prenante. Comme souvent chez Kylián, on est à la fois dans les temps anciens et au XXIème siècle, et à travers l’exercice d’une incroyable beauté formelle et en seulement douze minutes, il dit aussi beaucoup sur l’évolution des rapports hommes-femmes, avec ses curieuses poses finales où danseuses et danseurs semblent fusionner.

Spring and Fall

Dernière pièce du programme, Spring and Fall de John Neumeier explore le thème abondamment utilisé (y compris par le chorégraphe lui-même) des amours printanières, inspiré ici par une sérénade de Dvorák. Tous les ingrédients qui font que j’aime l’œuvre de Neumeier sont présents : un superbe pas de deux central est joliment interprété par Carola Puddu et Nathan Bisson, les ensembles masculins ou encore le trio avec la jeune femme, personnage fort face à deux hommes, évoquent la Troisième Symphonie de Mahler. Mais le temps semble bien long, hors la présence magnétique de l’incontournable Daniel Lozano Martin. C’est comme s’il manquait un fil conducteur à tous ces jeunes gens qui s’ébattent « en liberté » sur scène. Cette chorégraphie, un peu comme un jardin anglais, s’appuie sur la technique classique mais demande un « lâcher-prise » que les artistes n’osent pas totalement saisir.

Cette soirée m’a donc semblé légèrement en deçà de celle de ses deux dernières années et le retour du ballet narratif au programme pour 2019 avec les Deux Pigeons permettra de voir des facettes des jeunes artistes, qui n’ont pas été mises en lumière par la programmation de cette année.

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