Dans une saison concoctée par Brigitte Lefèvre, il y avait souvent un programme mixte contemporain destiné à accueillir une création d’un chorégraphe tendance et à recycler quelques pièces intellectualisantes et souvent relativement ennuyantes. Cette saison, c’est la soirée Paul/Rigal/Lock qui remplit ce créneau. Seule concession à une danse plus accessible, la courte pièce de Benjamin Millepied ajoutée en dernière minute pour doper le remplissage.

Ce genre de programme suscite souvent la frustration du spectateur car il peut avoir l’impression de ne pas en avoir pour son argent: pièces courtes, musique enregistrée, plus d’entracte que de danse. Pour une fois, on aurait souhaité un programme moins long et moins boursouflé. Des 4 pièces proposées, seules Répliques de Nicolas Paul en introduction et AndréAuria d’Edouard Lock en conclusion semblent mériter une place durable dans le répertoire de l’Opéra de Paris.

Marc Moreau et Aurélie Dupont

Le pas de deux Together Alone chorégraphié par Benjamin Millepied sur une étude pour piano agréable à l’écoute de Philip Glass a au moins le mérite d’introduire une respiration dans la soirée: ce n’est pas révolutionnaire mais c’est fluide et apaisant et surtout le chorégraphe donne encore un peu de temps sur la scène de Garnier à Aurélie Dupont accompagnée par un des danseurs fétiches du nouveau directeur, Marc Moreau.

Saluts Rigal

La création de Pierre Rigal, Saluts, sorte d’objet chorégraphique non identifié entre performance gymnique et canular, semble tout droit sortie d’une séance de brainstorming pas très inspirée. Si l’intention du chorégraphe est de proposer une vision irrévérencieuse  des danseurs de la troupe parisienne et de détourner les codes du milieu de la danse classique, c’est raté: son propos s’étire plus de 40 minutes et ce qui pouvait être intrigant les 10 premières minutes devient tout simplement décousu voire carrément ennuyant. Seuls quelques tableaux éclairés avec talent accrochent le regard avec un petit côté surréaliste. Les individualités ne sont d’ailleurs pas mises en valeur dans cette pièce qui permet à Jérémie Bélingard et Benjamin Pech d’assurer leur quota d’apparitions annuelles.

Répliques

J’avais quelques a priori sur Répliques: Nicolas Paul, par ailleurs sujet dans la compagnie,signe des chorégraphies cérébrales et ses choix de musique sont exigeants. Finalement, ces 20 minutes sur des compositions de Gyorgy Ligeti introduisent brillamment le programme: précision chirurgicale des gestes, belle exploitation géométrique de l’espace scénique imaginé par l’architecte Paul Andreu au service de variations sur le thème du double. Nicolas Paul utilise au mieux et respecte les qualités de ses danseurs: Ludmila Pagliero montre son talent polyvalent, accompagnée de Vincent Chaillet toujours très à l’aise dans ce registre contemporain, tout comme Aurélien Houette.

Stéphane Bullion et Alice Renavand

AndréAuria créé en 2002 par le Canadien Edouard Lock est sans doute le ballet le plus stimulant de la soirée sur le plan chorégraphique. La pièce résolument abstraite consiste en un flux dansé quasi ininterrompu de 40 minutes qui met à mal l’endurance physique des onze danseurs et le pouvoir de concentration des spectateurs (déjà passablement entamé par le reste de la soirée). La scénographie décline un élégant noir et blanc: en fond de scène, dans la pénombre deux pianos se font face et vont distiller la musique minimaliste de David Lang tandis que les lumières sculptent l’espace pour faire tour à tour apparaître et disparaître les danseurs vêtus de justaucorps noirs pour les femmes et de costumes noir / chemises blanches pour les hommes. Trios, duos et solos utilisant le vocabulaire classique se répondent sur la scène, un style présentant une certaine similitude avec le travail de William Forsythe mais moins axé sur l’exploration des limites du corps humain que sur la rapidité d’exécution. Pas moins de quatre étoiles sur scène pour défendre cette oeuvre. De l’amphithéâtre, on peine à distinguer Mathias Heymann (pour son retour après plus d’un an loin de la scène) et Josua Hoffalt. Les personnalités qui émergent sont Héloïse Bourdon (étonnante dans ce registre), Germain Louvet et surtout les personnages centraux, Stéphane Bullion à la présence magnétique et la plus féminine des danseuses, Alice Renavand, utilisée paradoxalement pour incarner l’androgyne AndréAuria. Leur pas de deux qui conclut la pièce dégage une beauté brute et surtout une énergie passionnée que l’on attendait depuis le début de la soirée.

 

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