Ce dernier programme proposé par le New York City Ballet, entièrement dédié à Balanchine, réunissait quatre pièces emblématiques de la troupe qui trouvent leur origine dans l’histoire du chorégraphe avec la France et notamment avec la musique française et l’Opéra de Paris.
L’Opéra de Paris était d’ailleurs bien représenté dans la salle avec la présence dans l’audience le 12 juillet de Mathias Heymann, Manuel Legris et Elisabeth Platel.

Walpurgisnacht Ballet

Walpurgisnacht Ballet - Sara Mearns er Adrian Danchig-Waring

Walpurgisnacht Ballet – Sara Mearns er Adrian Danchig-Waring

Repris comme un ballet indépendant en 1980 par le New York City Ballet, le Walpurgisnacht Ballet a été chorégraphié pour une mise en scène du Faust de Gounod à l’Opéra de Paris en 1975. Dans l’opéra originel, le ballet met en scène les beautés des temps anciens que Méphistophélès figure à Faust pour le convaincre de le suivre. Dans la version proposée ici, il n’y a pas de véritable narration, juste une variation autour des danses païennes que Balanchine transforme en une déclaration d’amour au corps de ballet féminin. Sara Mearns y brille dans un style différent de celui apprécié sur Mozartiana et Western Symphony où elle jouait essentiellement de son explosivité et de sa vélocité. Ici place au lyrisme pas forcément contradictoire avec la virtuosité.  Adrian Danchig-Waring est l’incarnation du prince parfait (à la limite du second degré). Tout en douceur et en raffinement, l’autre principal, Lauren Lovette, apporte un intéressant contrepoint à la personnalité flamboyante de Sara Mearns. L’ensemble des danseuses du corps de ballet est mis en valeur, notamment dans un final saisissant de beauté et de sauvagerie, où la rigueur des ensembles n’exclut pas la sensation d’abandon total des danseuses, cheveux détachés, à la puissance de la musique.

Sonatine

Après le ballet symphonique, place au romantisme avec Sonatine, un pas deux sur la pièce éponyme de Maurice Ravel, que Balanchine créa en 1975 pour deux étoiles françaises du New York City Ballet, Violette Verdy, disparue début 2016 et à laquelle la soirée était dédiée, et Jean-Pierre Bonnefoux. Une parade amoureuse élégante entre Megan Fairchild et Joaquin de Luz, accompagnés sur scène au piano d’Elaine Chelton.

La Valse

Toujours Maurice Ravel comme inspiration musicale de la ValseBalanchine utilise pour le premier mouvement les Valses Nobles et Sentimentales et pour le deuxième l’inquiétant poème symphonique la Valse à l’orchestration géniale et que je ne me lasse pas de réécouter. Entre ballet abstrait et narratif, Balanchine retranscrit l’urgence des amours en temps de guerre. Derrière l’apparente légèreté de la première partie, on sent une menace imminente. Chaque protagoniste des huit valses nous raconte une petite histoire, celle de couples qui se font et se défont (splendides Ashley Laracey et Zachary Catazaro) dans le cocon d’un bal de la haute société alors que dehors se prépare une guerre et qu’on attend une funeste nouvelle, ce que semble suggérer les lourds voilages noirs qui habillent le fond de scène ou l’apparition d’un messager de mauvaise augure en ombre chinoise derrière les voilages : cela pourrait se passer dans le sud des Etats-Unis à la veille de la guerre de Sécession ou en Europe avant la Première Guerre Mondiale. Le couple lumineux qui clôture le premier mouvement avec la huitième valse, Sterling Hyltin et Jared Angle, est au cœur de la deuxième partie dont l’ambiance tourne au fantastique funèbre avec l’apparition d’un prétendant maléfique incarné par Amar Ramasar qui entraîne la blonde héroïne Sterling Hyltin dans une valse mortelle, devant son fiancé désarmé.

Symphony in C

Symphony in C, parfait exemple du grand classicisme balanchinien chorégraphié sur la Symphonie en Ut de Bizet, a vu le jour sous le nom de Palais de Cristal à l’Opéra de Paris en 1947. Balanchine a ensuite remonté ce ballet pour sa compagnie sous le titre Symphony in C, ajustant la chorégraphie à la technique de ses danseurs et adaptant la scénographie et les costumes aux moyens économiques plus réduits  du New York City Ballet : les décors et costumes chatoyants de Leonor Fini sont ainsi remplacés par un fond bleu  et un sobre noir et blanc pour les costumes.

Si la symphonie de Bizet se voulait un hommage aux grandes symphonies classiques, le ballet abstrait de Balanchine est un hommage à la danse classique.

Pour chaque mouvement,  un couple de premiers solistes, deux couples de solistes et le corps de ballet dialoguent avec l’orchestre au travers de pas virtuoses, miroirs de la virtuosité de la partition. Tous les danseurs se retrouvent pour un final éblouissant.

Le deuxième mouvement est celui qui m’émeut le plus, un adage sublime qui convie le souvenir d’Odette et de Siegfried ou d’Aurore et de Désiré où Teresa Reichlen et Tyler Angle envoûtent la salle.

Seul petit couac dans cette démonstration de style, la chute de la jeune Alston Macgill, stagiaire surdouée, à son entrée sur le troisième mouvement où elle était associée au principal Anthony Huxley. Une grosse frayeur que les deux danseurs de poche ont su surmonter pour nous offrir une prestation toute en légèreté et en accélaration avec un joli ballon.

Ce magnifique programme prouve à ceux qui en doutait (et j’en fais partie) qu’un programme mixte peut être aussi enthousiasmant qu’un ballet narratif, à condition d’être bien agencé. Il est à retrouver à partir du 16 juillet sur Arte Concert.

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