Un festival de danse à Paris, sans subvention et sans mécène, et sans les sempiternels Pina Bausch, ATDK, Jirí Kylián ou William Forsythe à l’affiche, avec une programmation éclectique associant danse classique, danse traditionnelle et danse contemporaine, c’est possible. Pour la deuxième année consécutive, la comédienne (et ancien petit rat) Lisa Martino installe son Paris de la Danse sur la très jolie scène du Théâtre de Paris.

Pour inaugurer ce festival de poche, Laurent Hilaire était invité à animer une masterclass autour du Lac des Cygnes. Le directeur du prestigieux Stanislavski de Moscou avait amené dans ses bagages deux des étoiles de sa troupe, Oksana Kardash et Ivan Mikhalev. Pour cette répétition, c’est dans la version du Lac dansée par le Stanislavski, la version Bourmeister, qu’il va diriger les danseurs, accompagnés par l’une des pianistes de l’Opéra, Elena Bonnay. On retrouve avec plaisir Laurent Hilaire dans cet exercice qu’il sait rendre extrêmement vivant et qui ravive le souvenir pas si lointain des répétitions publiques qu’il animait à l’amphithéâtre Bastille lorsqu’il était l’adjoint de Brigitte Lefèvre à Paris.

Laurent Hilaire a lui-même un vécu en tant qu’interprète de la version Bourmeister, puisqu’il y a été nommé étoile par Noureev, dont la propre chorégraphie a coexisté un certain temps avec celle de Bourmeister au répertoire de l’Opéra de Paris. Dans les extraits du deuxième acte qu’il a retenus pour la séance, c’est d’ailleurs sur les nuances de l’interprétation qu’il va corriger ses danseurs. La technique n’est évidemment plus vraiment la question pour des solistes qui reprennent chaque année, théâtre de répertoire oblige, ce ballet emblématique. Comme c’est l’usage en Russie, ils répètent habituellement avec leur coach attitré, auquel ils resteront fidèles tout au long de leur carrière. Cet espace d’échange avec leur directeur artistique est donc relativement inédit pour eux et on les sent par instant un peu intimidés, voire décontenancés face à la faconde toute latine de Laurent Hilaire. Il leur faut apprivoiser un plateau qui n’est pas très vaste, la difficulté à se faire comprendre de la pianiste, cependant, la magie de l’adage de l’acte II (et ces moments suspendus sans lesquels le ballet n’existerait plus) commence à opérer dès que les danseurs peuvent enchaîner sans corrections.

Un intermède permet au public d’échanger avec Laurent Hilaire. Il évoque les différences entre la version Noureev et la version Bourmeister plus lyrique et laissant plus de place à la narration à son avis, son ambition d’aider le Stanislavski à développer une identité propre face au Bolchoï ou encore l’entrée prochaine au répertoire du Don Quichotte de Noureev. Avoir été une des grandes étoiles de l’ère Noureev à l’Opéra de Paris ne lui donne pas pour autant un blanc-seing en Russie : Noureev reste une personnalité controversée dans son pays et il n’y est pas considéré comme l’alpha et l’omega de la danse classique, comme il peut l’être auprès d’une partie du public français.

Laurent Hilaire s’éclipse ensuite pour revêtir la cape de Rothbart et accompagner Oksana Kardash et Ivan Mikhalev dans le pas de deux de l’acte III (en costumes de scène et avec musique enregistrée) où Odile/le cygne noir dupe Siegfried. Un joli cadeau pour conclure cette heure et demi et des applaudissements chaleureux pour les étoiles russes et surtout pour Laurent Hilaire, visiblement touché.

Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite du festival avec la série de galas réunissant la troupe « hors les murs » des Italiens de l’Opéra (avec pas mal de mes chouchous) et des danseurs du New York City Ballet.

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