Créé aux prémices de la Révolution Française, la Fille Mal Gardée a su garder au fil de ses différentes versions un charme intact pour ses audiences. Dans la version du britannique Frederick Ashton, le ballet de Dauberval est un véritable bain de jouvence pour le Ballet de Opéra de Paris et une forme de célébration du début de l’été. Dans ce modèle de ballet pantomime, la simplicité de l’histoire et le cadre rustique n’excluent pas le raffinement de la danse et la délicatesse des sentiments, le tout assaisonné d’une pointe d’humour anglais.

Pour ceux qui se délectent des descriptions de la société campagnarde de Jane Austen ou de George Eliot, ils retrouveront un peu cette atmosphère dans cette comédie dans le milieu des fermiers cossus quelque part en France ou en Angleterre au dix-neuvième siècle. Les toiles peintes naïves d’Osbert Lancaster ajoutent à la joliesse de l’ensemble.

Parmi les distributions proposées,  celle réunissant Muriel Zusperreguy dans le rôle de Lise, la Fille Mal Gardée, et François Alu dans le rôle de son soupirant Colas était particulièrement prometteuse. Pour qui a découvert François Alu en Basilio dans Don Quichotte,  il n’y avait guère de doute que le personnage solaire, débrouillard et facétieux de Colas était fait pour lui. Il y avait même de quoi se régaler par avance à l’idée des séquences virtuoses destinées à Colas. Muriel Zusperreguy est une habituée du rôle de Lise où son caractère terrien et enjoué s’épanouit parfaitement et l’association avec François Alu fonctionne généralement plutôt bien, le côté instinctif et un peu fou du danseur la poussant en dehors de sa zone de confort.

François Alu a choisi une approche naturaliste pour le rôle de Colas, assez éloignée de son interprétation cartoonesque d’Inigo dans Paquita, et cette relative sobriété a aussi déteint sur son exécution de la chorégraphie avec un souci perpétuel de l’élégance et de la mise en valeur de sa partenaire. Pour tout dire cela manquait  parfois un peu de tendresse et de spontanéité. Finalement, le grain de fantaisie est plus venu de Muriel Zusperreguy,  très percutante dans sa pantomime et avec un sens certain du timing comique. Si la danse manquait parfois du peps  (mais la canicule n’aidait peut-être pas) et de la virtuosité associés à Lise, la danseuse sait faire évoluer le personnage de la chipie espiègle à la jeune femme « bonne à marier » et son duo avec la mère Simone déchaînée de Takeru Coste sonne toujours juste, entre rires et tendresse.

Si je ne devais retenir que quelques passages de la représentation, outre les solis de François Alu alias Colas, ce serait sans doute la « clog dance » (danse des sabots) si entraînante de la mère Simone avec les filles de ferme ainsi que la façon dont Daniel Stokes arrive à rendre attachant Alain, le riche promis un peu benêt façon Mr Bean convoité par la mère Simone pour Lise.

Encore quelques représentations de ce ballet anti-déprime, joyeux point final de la saison à l’Opéra Garnier, dont on reprendra volontiers une prescription.

 

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