Pour trois soirées, l’amphithéâtre Bastille accueillait les créations des danseurs chorégraphes du Ballet de l’Opéra. Sept petites pièces d’une durée oscillant entre 5 et 17 minutes nous étaient proposées. Pour 4 d’entre elles, les propositions d’Alexandre Carniato, Julien Meizindi, Maxime Thomas et Simon Valastro, il s’agissait de premières chorégraphies. Grégory Gaillard et Allister Madin sont à peine plus aguerris, alors que Samuel Murez fait figure de vétéran avec sa trentaine de pièces chorégraphiées pour son groupe 3ème étage.

Cette expérience s’avère payante car « Premier Cauchemar », extrait d’un ballet à venir «Le Rêveur» démarre la soirée avec brio : il y a une atmosphère avec une histoire compréhensible, celle d’un jeune cadre stressé dont les cauchemars sont peuplés par des collègues aux dents très longues. Hugo Vigliotti, déjà très drôle en Sancho Pança dans Don Quichotte cet hiver, démontre à nouveau ce potentiel comique dans le rôle du rêveur. Par ailleurs, la pièce propose de vrais moments de danse pour un ensemble, ce qui nous donne envie de découvrir un peu plus de ce ballet en devenir.

Après cette introduction, les pièces qui suivent m’ont paru plus anecdotiques. Le pas de deux de Maxime Thomas, sur un concerto de Bach, un des rares accompagnements classiques de la soirée, est néanmoins très applaudi. Je suis restée sur le bord de la route pour « En attendant l’année dernière » de Grégory Gaillard. Quel était le propos de cette pièce ? J’ai finalement préféré le Kaléidoscope d’Allister Madin. Cela ne se veut pas intellectualisant, avec des choix musicaux puisés dans la bande originale de films américains à succès (Requiem for a Dream, Matrix) et une danse spectaculaire et athlétique. Au final, on se rapproche plus d’un show dans la veine du « Cirque du Soleil » que d’un format « Opéra de Paris ».

Après l’entracte, on retrouve une musique électro, elle aussi tirée d’un film (Contagion de Steven Soderbergh), pour accompagner « Smoke Alarm », le pas de deux très efficace élaboré par Julien Meyzindi et qui bénéficie de la présence lumineuse d’Alice Renavand très bien soutenue par Alexandre Gasse.

On termine avec 2 pièces plus exigeantes. La première, « les Songes du Douanier », évoque l’univers pictural du Douanier Rousseau en trois tableaux. Je n’ai réellement accroché que sur le troisième tableau, symbiose de l’homme avec la jungle, mais les 15 minutes m’ont paru longues. A saluer l’originalité d’Alexandre Carniato, par rapport à la plupart des autres pièces de la soirée, avec une vraie proposition de scénographie (malgré le peu de moyens à disposition). Nettoyage express du plateau et c’est à « la Stratégie de l’Hippocampe », première chorégraphie de Simon Valastro, de conclure la soirée. Cette incursion dans une cellule familiale dans les années 1900, sur une très belle musique d’Ernst von Dohnanyi, est à la fois cruelle et drôle, servie par d’excellents interprètes, Eve Grinsztajn, superbe mère, Hugo Vigliotti et Eleonore Guérineau en enfants capricieux. Là encore comme pour la pièce de Samuel Murez, on ressent un univers cohérent et singulier qui aurait sa place avec un format plus long sur la scène de l’Opéra. Cette pièce est à l’image du danseur si raffiné, intelligent et précis qu’est Simon Valastro.

Cette soirée est en tout cas le genre d’initiative qui devrait s’épanouir sous la direction de Benjamin Millepied, si l’on en croit ses déclarations d’intention.

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