Rien ne vaut le Théâtre du Châtelet pour passer un excellent dimanche après-midi automnal. Après deux ans de travaux, il était temps de retrouver cette salle que j’apprécie particulièrement, malgré une visibilité pas toujours optimale, et quoi de mieux pour renouer qu’un beau programme de danse concocté par William Forsythe.
A 70 ans, le grand chorégraphe américain a repris sa liberté, se consacrant à l’étude et l’enseignement de l’art chorégraphique pour l’University of South California ou à des partenariats ponctuels comme celui qui le lie au Boston Ballet. Avec une poignée de fidèles de feu la Forsythe Company, le voilà invité au Festival d’Automne à Paris pour présenter une soirée toute simple comme l’indique son titre, A Quiet Evening of Dance.
Ce spectacle réunissant 7 danseurs est une compilation de pièces existantes complétées par du nouveau matériel. Le résultat n’a rien d’un patchwork, mais forme un tout cohérent, un voyage aux sources de la danse, incroyablement stimulant.
La première partie, dansée dans le quasi-silence ou sur des chants d’oiseaux, voire quelques notes de piano de Morton Feldman, est une succession de duos où les danseurs établissent un dialogue, s’observent, se répondent et se challengent : ils décortiquent le vocabulaire chorégraphique classique et recombinent ces éléments en des enchaînements d’abord simples puis de plus en plus complexes. Forsythe y convie même une star de la break dance, Rauf « RubberLegz » Yasif, dans un rapprochement pas si insolite que cela avec la danse classique. Les longs gants et sneakers aux couleurs vives portés par les danseurs focalisent l’attention du spectateur sur les bras et les pieds. Catalogue créé en 2017 avec la compagnie berlinoise Dance On, encadrée par deux nouvelles courtes pièces, Prologue et Epilogue sert en quelque sorte d’introduction au morceau de bravoure qui conclut cette séquence DUO2015, revisite d’un DUO féminin pour deux hommes, qui a fait les beaux jours de la tournée d’adieux de Sylvie Guillem. Brigel Gjoka (le grand dégingandé tout en fluidité) et Riley Watts (aux extensions assez impressionnantes) y livrent une performance de haute voltige, où l’humour peut même s’inviter par moments.
Le second acte est quant à lui constitué d’une nouvelle oeuvre Seventeen / Twenty-One, passionnante variation sur le thème de la danse baroque. C’est un peu comme si toutes les bases et les exercices de virtuosité présentés dans la première partie prenaient une nouvelle vie avec l’ajout de la musique de Rameau. Le spectateur dont Forsythe avait sollicité la concentration dans la première partie peut se laisser aller à l’euphorie de cette chorégraphie précise et intelligente, où la danse de cour rencontre la danse de la rue. La troupe est superbe : il me semble que c’est la première fois que je vois danser du William Forsythe, avec cette impression de facilité et de lâcher-prise.
Mots Clés : William Forsythe