Après deux années blanches, les élèves de l’Ecole de Danse de l’Opéra peuvent enfin retrouver la scène de l’Opéra Garnier pour le traditionnel spectacle annuel. On imagine sans peine le stress de ces jeunes danseurs confrontés à leurs premiers pas dans un vrai spectacle dans la maison où ils rêvent de faire carrière. La qualité de ce qui a été proposé aux spectateurs n’en est que plus remarquable, et le spectacle rejoint mes meilleurs souvenirs de cet exercice.

La Sonnambula de George Balanchine

Le programme de cette année est d’inspiration néo-classique, un parti pris pas forcément étonnant au vu du répertoire de prédilection de l’Opéra. Et quelle meilleure façon de démarrer qu’une chorégraphie de George Balanchine. Créé en 1946 pour les Ballets Russes de Monte-Carlo entre la première période américaine de Balanchine et la fondation du New-York City Ballet, la Sonnambula est un court ballet à argument, ce qui n’est pas si fréquent pour le maître de l’abstraction. Sur une partition de Vittorio Rieti empruntant aux opéras de Bellini et, en particulier, à l’opéra éponyme, la Sonnambula débute comme un divertissement sophistiqué. Une fête costumée est donnée dans une belle demeure aristocratique. Nous faisons la connaissance des invités du Baron (Elliot Renahy). Une jeune Coquette (Elizabeth Partington) a l’air d’avoir la préférence de l’hôte, mais elle s’est mise en tête de séduire le Poète (Rémi Singer-Gassner). L’élégante assemblée se voit offrir une série de divertissements : pastorale, danse orientale, arlequin (le solo d’Emryck Sanchez-Raffy est formidable).

Emryck Sanchez-Raffy

Le retour de l’hôte met fin aux manœuvres séductrices de la Coquette envers le Poète. Resté seul dans le jardin, ce dernier se laisse aller à la rêverie. Le ballet prend alors un tour quasi fantastique avec l’apparition d’une mystérieuse jeune femme en blanc, la Somnambule (Hortense Millet-Maurin). Le pas de deux qui suit est un petit bijou, hommage au ballet romantique, moment suspendu au cours duquel les deux jeunes interprètes parviennent à nous faire oublier la technique. La conclusion n’est pas sans évoquer une autre œuvre de Balanchine où la Mort s’invite dans une réception mondaine, la Valse de Ravel. Ici, la Mort prend les traits souriants de la Coquette qui, par dépit, dénonce à l’hôte la proximité du Poète avec la Somnambule. Fou de rage, l’hôte poignarde le Poète. La Somnambule réapparaît pour conduire le convoi funéraire du Poète, entouré par les artistes du divertissement.

Hortense Millet-Maurin et Rémi Singer-Gassner

Place ensuite à Violette Verdy. Une des muses de Balanchine et la créatrice du rôle d’Emeraudes s’est aussi essayé à la chorégraphie. Elle a ainsi légué à l’Opéra, à l’occasion de son passage à la Direction de la Compagnie à la fin des années 70, Variations sur une sélection de variations pour piano de Johannes Brahms. Le piano est sur scène comme dans Sonatine, une autre œuvre de Balanchine créée par Violette Verdy. 4 jeunes filles en justaucorps pastels, 4 garçons en académiques violets et c’est parti pour 20 minutes de danse pétillante. La qualité du partenariat est vraiment remarquable pour de jeunes danseurs, d’autant plus que les garçons sont particulièrement filiformes.

Variations

Après l’entracte, on retrouve une pièce plus contemporaine (entrée au répertoire de l’Opéra en 1984), avec néanmoins une grammaire néo-classique, du chorégraphe passé par le Nederlands Dans Theater, Nils Christe. Sur une partition de Stravinsky, Symphonie en Trois Mouvements, marquée par la 2nde Guerre Mondiale, Nils Christe imagine des ensembles puissants, entremêlés de solos et de duos. On se rend compte que Crystal Pite n’est pas si novatrice que cela, et cette œuvre fait l’effet d’un véritable coup de poing. Etonnant que ce ballet, créé pour les grands, se retrouve cantonné à l’Ecole de Danse (même remarque pour la pièce de Violette Verdy). On apprécie également la présence d’un orchestre live, après le Sacre du Printemps enregistré de l’hiver dernier, et le bel engagement des Lauréats du Conservatoire.

Symphonie en Trois Mouvements
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