Orphée et Eurydice, opéra dansé sur l’œuvre de Gluck, fait partie des œuvres de jeunesse de la chorégraphe Pina Bausch, et si on imagine fort bien qu’elle ait pu déstabiliser le spectateur dans les années 70, elle semble aujourd’hui tout à fait à sa place dans le répertoire du ballet de l’Opéra de Paris où elle est entrée en 2005 et sur la scène de l’Opéra Garnier.

Le dépouillement de la mise en scène où les couleurs dominantes sont le noir et le blanc, la beauté des danseurs dont les corps sont comme sculptés par les mouvements proposés par la chorégraphe et magnifiés par la voix de leurs doubles chantants, tous ces éléments nous transportent dans un théâtre antique.

Alexandre Séon - Lamentation d'Orphée

Alexandre Séon – Lamentation d’Orphée

Nous vivons l’histoire à travers le personnage d’Orphée. Le spectacle est découpé en quatre tableaux, Deuil, Violence, Paix et Mort, autant d’étapes dans le voyage physique et spirituel d’Orphée qui va le conduire des affres du deuil aux portes du monde souterrain puis à la lumière des Champs Elysées où il retrouve son Eurydice, et enfin à la paix définitive de la mort. Stéphane Bullion prête à Orphée sa sensibilité, un jeu qui n’est jamais outré et qui recherche avant tout la vérité et l’intériorité, appuyant la solitude infinie de son personnage. Placée très près de la scène, j’ai été frappée par la détresse réelle qu’il faisait passer dans son regard, ainsi que par la façon dont ses mouvements faisaient écho à la performance vocale de Maria Riccarda Wesseling.

Stéphane Bullion et Maria Riccarda Wesseling

Stéphane Bullion et Maria Riccarda Wesseling

Dans sa quête, il est soutenu par l’Amour incarné par Muriel Zusperreguy (très à l’aise dans ce registre où je la découvrais) et un corps de ballet féminin remarquable où brillent notamment Charlotte Ranson, Caroline Bance et Letizia Galloni. A ce titre, le tableau Paix est un moment de grâce et de pureté éthérée, une toile préraphaélite qui prend vie. Vincent Cordier, Aurélien Houette et Alexis Renaud sont quant à eux des Cerbères très physiques et menaçants.

Les Cerbères

Les Cerbères

Marie-Agnès Gillot est une Eurydice hiératique, presque intimidante. Elle a en fait assez peu à danser. Exposée sur une chaise géante, immobile et drapée dans son linceul pendant toute la durée du premier tableau, on la retrouve dans le troisième tableau et le début du quatrième : sa danse est ample, précise, parfaitement accordée avec la voix de Yun Jung Choi, mais il n’y a pas d’alchimie entre Orphée et Eurydice sur scène. C’est comme si les danseurs matérialisaient de la sorte l’impossibilité de communiquer entre les deux. D’ailleurs, l’Eurydice « irréelle » retrouvée dans le monde souterrain est-elle encore la même que la compagne terrestre d’Orphée ? Ceci n’empêche pas l’émotion (mes voisines de loge étaient en pleurs) face à l’amour irrémédiablement perdu.

MA Gillot et Yun Jung Choi

Marie-Agnès Gillot et Yun Jung Choi

Mythologie, opéra, Gluck, Pina Bausch, danse contemporaine, ces mots ne devraient surtout pas détourner de découvrir Orphée et Eurydice. Il s’agit d’une vision finalement presque « populaire » de l’opéra. C’est chanté en allemand, il n’y a pas de surtitres, mais la danse nous permet d’accéder facilement à l’œuvre, davantage avec le cœur qu’avec la tête.

Orphée et Eurydice

 

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