Fasciné par les premiers chapitres de la biographie de référence de Rudolph Noureev par Julie Kavanagh, Ralph Fiennes portait son projet de film sur la défection à l’Ouest du danseur depuis une dizaine d’années. Le voici enfin en salles.
On connaissait Ralph Fiennes, formidable acteur de composition, dans la grande tradition britannique, révélé par la Liste de Schindler, on le découvre également réalisateur avec ce troisième film (les deux précédents n’ayant pas eu droit à une sortie française), une œuvre de facture classique, avec une reconstitution très soignée, très BBC. A la production, on trouve Gabrielle Tana, qui a notamment travaillé avec Sergei Polunin sur son passionnant documentaire autobiographique, Dancer.
Noureev, le Corbeau Blanc n’est pas à proprement parler un biopic, puisque les 2 heures de films se concentrent sur la tournée du Kirov à Paris en 1961 et sa conclusion le 16 juin à l’aéroport du Bourget où Noureev, échappant aux agents du KGB, se réfugie sous la protection de la police française. Des flashbacks reviennent sur l’enfance du danseur (sa naissance dans le Transsibérien, celle de sa vocation de danseur) et ses années de formation à Saint-Petersbourg auprès de son mentor, Alexandre Pouchkine, aboutissant à son entrée en tant que soliste au Kirov.
Les amateurs de fiction historique devraient y trouver leur compte, moins les amateurs de danse, car, si le film est émaillé de scènes de répétition et de spectacle, on y ressent finalement très peu la passion pour cet art et l’émotion que devait ressentir les spectateurs en voyant danser Noureev. Cette émotion face à la beauté de la danse surgit fugitivement au détour d’une scène où Noureev regarde son « rival » et collègue Yuri Soloviev (interprété par Sergei Polunin) répéter un solo sur la scène de Garnier ou dans les images d’archives tremblotantes du générique capturant le génie du vrai Noureev.
La faute sans doute à l’interprète de Noureev, le danseur ukrainien Oleg Ivenko qui ne correspond pas à l’image flamboyante que l’on se fait de la star de la danse : certes, il est crédible dans les scènes de danse, mais, lorsqu’il sort de sa réserve, son jeu paraît un brun forcé. On se demande bien pourquoi Clara Saint (Adèle Exarchopoulos, un peu caricaturale en fille à papa germanopratine) et Pierre Lacotte (Raphaël Personnaz sous-employé) ont envie de se battre pour ce personnage, pas vraiment attachant.
Au fil des flashbacks, se dessine néanmoins un film bien plus intéressant qu’un docu-fiction au format cinéma, l’histoire du curieux « ménage à trois » entre Noureev, Alexandre Pouchkine (interprété par Ralph Fiennes lui-même) et la femme de celui-ci (formidable Chulpan Khamatova). Le film sort ici de son côté simplement illustratif pour creuser les cœurs et les âmes.
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