Deuxième soirée en moins d’une semaine à l’Opéra Garnier. Cela paraît presque irréel. Cette fois-ci, c’est pour le deuxième programme d’ouverture de la saison, dans un format de gala tout ce qu’il y a plus de classique, consacré à l’héritage de Rudolf Noureev à l’Opéra de Paris. C’est quasiment inespéré de voir du répertoire classique à cette époque de l’année lors d’une saison normale, mais c’est l’antidépresseur dont nous avons besoin en ce moment.

Don Quichotte

S’il ne fallait retenir qu’un moment de cette grosse heure de danse, ce serait le couple formé par Valentine Colasante et Francesco Mura dont l’enthousiasme et l’énergie dans le pas de deux final de Don Quichotte ont mis la salle en ébullition. Les spectateurs ont joué à fond le jeu du gala, en applaudissant les fouettés et les manèges des danseurs à tout rompre. Le confinement ne semble pas avoir eu de prise sur la forme et la technique du couple qui danse souvent ensemble hors les murs, avec les Italiens de l’Opéra emmenés par Alessio Carbone. Il y avait tout dans ce pas de deux, y compris l’interprétation. Valentine Colasante maîtrise sa Kitri, le rôle qui l’a faite Etoile, sur le bout des pointes. Francesco Mura me fait beaucoup penser à Emmanuel Thibault pour la rapidité d’exécution et le ballon, avec, en plus, de bonnes qualités sur le partenariat et une personnalité marquante. On espère que son gabarit, un peu différent des canons en vigueur à l’Opéra pour ses étoiles masculines, ne le privera pas d’une brillante carrière.

Casse-Noisette

Lui aussi aspirant étoile, Paul Marque avait l’honneur d’être le partenaire de la prima ballerina de l’Opéra, Dorothée Gilbert, sur deux extraits de Casse-Noisette. Dommage d’avoir été privé des variations individuelles. On sent encore un peu de timidité et le métier avec lequel Dorothée Gilbert guide son partenaire est bluffant.

Cendrillon

Alice Renavand et Florian Magnenet ont su transformer le pas de deux du tabouret de Cendrillon, pas forcément le passage le plus motivant de la soirée sur le papier, en une jolie romance sans paroles.

Le Lac des Cygnes

Autre partenariat fluide : Amandine Albisson et Audric Bezard dans un extrait de l’acte II du Lac des Cygnes. Amandine Albisson, pas mal décriée dans ce ballet, semble en avoir trouvé la clé.

Manfred

L’instant d’émotion de la soirée, c’est Mathias Heymann, avec le solo de Manfred. La capacité qu’il a de faire siens les pas de Noureev et de suspendre le souffle des spectateurs à ses mouvements est toujours aussi incroyable. Comme avec Valentine Colasante et Francesco Mura, on a ressenti son engagement total pour son art et cette nécessité quasi-vitale de retrouver la scène.

Roméo et Juliette

Germain Louvet a, quant à lui, eu droit à deux passages. J’avoue ne pas toujours comprendre l’engouement de la direction pour le danseur. Archétype du prince « made in Opéra », il est d’une élégance absolue, mais reste un peu lisse : je n’ai pas encore été transportée par une de ses interprétations. Je l’ai préféré face à Myriam Ould-Braham dans Roméo et Juliette plutôt que dans la Belle au Bois Dormant avec sa partenaire attitrée, Léonore Baulac. Ces deux-là se connaissent par cœur et ont abordé les grands ballets du répertoire ensemble, mais leurs personnalités sont un peu inhibées lorsqu’ils dansent ensemble.

La Belle au Bois Dormant

Petit regret : le classique à l’Opéra ne se réduit pas à Noureev. Giselle,  Paquita ou la Sylphide auraient également été les bienvenues dans cette soirée.

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