Impressions assez différentes de celles de la première pour la deuxième distribution de Notre Dame de Paris. Le dispositif scénique complexe exigeait sûrement d’être rôdé et la représentation du 30 juin en a sans doute fait les frais. Les danseurs avaient pris leurs marques et étaient donc dans de meilleures conditions pour s’exprimer.
Le quatuor de solistes très homogène de cette matinée a su faire exister une histoire qui a pris le pas sur la scénographie lourde du ballet. Le mérite en revient sans doute à Alice Renavand, point focal du spectacle, par rapport à laquelle se définissent les trois protagonistes masculins : elle réussit à créer une tension / alchimie avec chacun d’entre eux. Son Esmeralda est une fille du peuple, plus voluptueuse et moins femme fatale que celle d’Eleonora Abbagnato, elle est très terrienne finalement.
Stéphane Bullion est très touchant dans son portrait de Quasimodo : ces rôles où le théâtre joue une part importante lui conviennent particulièrement bien (le valet de Mlle Julie, Ivan le Terrible, le Loup de Roland Petit ou l’Armand de la Dame aux Camélias). On devine au travers de sa danse le conflit qui se joue entre des instincts primaires, dominants dans le premier acte où il est réduit à l’état de « chien » obéissant de Frollo, et des sentiments plus élevés qui se développent au contact d’Esmeralda. Ainsi, il y a dans sa danse une qualité « animale», un côté jeune chien fou et une violence latente, qui alternent avec une grande sensibilité lorsqu’il est aux côtés d’Alice Renavand. La poursuite d’Esmeralda dans la Cour des Miracles acquiert un caractère d’urgence et de danger qui faisaient défaut lors de la première. Dans le pas de deux du deuxième acte, le subtil glissement des amusements enfantins à un sentiment amoureux est magnifiquement rendu par les deux danseurs et l’on retient son souffle devant des portés d’une légèreté aérienne.
Florian Magnenet se partage entre la première et la deuxième distribution dans le rôle de Phoebus, l’intérêt amoureux d’Esmeralda. Le partenariat avec Alice Renavand fonctionne à mon avis beaucoup mieux qu’avec Eleonora Abbagnato : leur duo dégage une vraie sensualité (qui fait oublier la couleur de cheveux et le costume de Phoebus). Tout au plus pourra-t-on reprocher à Florian Magnenet de ne pas assez marquer le caractère séducteur et veule de Phoebus : on le croirait presque amoureux d’Esmeralda.
Audric Bezard est moins nuancé que Josua Hoffalt dans son interprétation de Frollo : c’est lui, le méchant de l’histoire, et on n’a aucune envie de le prendre en pitié. Il a une très belle présence: ses lignes et sa danse ample font planer un sombre nuage sur scène. Il est associé aux scènes les plus violentes du ballet : violence psychologique de la variation de Frollo, violence physique avec le pas de trois Esmeralda – Frollo – Phoebus qui se conclut par Frollo poignardant Phoebus, le cauchemar d’Esmeralda où Frollo brutalise la gitane et le final où Quasimodo étrangle Frollo.
En sortant de la représentation qui se conclut sur l’image de Quasimodo balançant le corps d’Esmeralda sans vie sur son épaule, on a envie de se replonger dans le film de Jean Delannoy avec Anthony Quinn dont le ballet rappelle l’esprit, celle d’un roman feuilleton aux images colorées.
Mots Clés : Alice Renavand,Audric Bezard,Florian Magnenet,Notre Dame de Paris,Roland Petit,Stéphane Bullion