Le Nederland Dans Theater est sans doute à la danse contemporaine ce que le Bolchoï est à la danse classique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la troupe a eu les honneurs de représentations diffusées en live au cinéma. A l’origine, phalange moderne du Het Nationaal Ballet, la compagnie a développé en presque 60 ans d’existence une identité forte et une renommée internationale sous l’impulsion de directeurs artistiques tels que Hans Van Manen et Jirí Kylián qui ont également enrichi son répertoire avec leurs créations.
C’est aujourd’hui l’anglais Paul Lightfoot qui dirige les destinées artistiques de la troupe de 28 danseurs. Avec sa compagne, Sol León, ancienne danseuse de la compagnie comme lui, ils forment un duo de chorégraphes extrêmement talentueux et couverts de lauriers. A l’occasion du passage du NDT à Paris sur la scène du Théâtre de Chaillot, ils présentaient deux de leurs pièces, encadrant une chorégraphie de la Canadienne Crystal Pite, chorégraphe résidente du NDT.
Le premier ballet, Safe as Houses, littéralement « à l’abri du danger », s’inspire, selon la note d’intention des créateurs, du livre ancestral de divination chinoise, le Yi Jing, et est structuré autour d’extraits de compositions de Bach, chaque composition correspondant à une plage dans la chorégraphie, et d’une scénographie à la fois simple et bluffante pour le spectateur avec un mur blanc dont la rotation fait apparaître et disparaître les danseurs. Qui sont cette ballerine et ces deux danseurs en noir qui initient et clôturent la pièce ? Sont-ils à la recherche de la protection du mur qui dévoile dans sa rotation les évolutions de danseurs en blanc, heureux élus de champs élyséens ? Tout cela reste bien énigmatique, mais l’on est happé par la rigueur de la construction chorégraphique, l’esthétisme imparable de toutes les séquences et par la technique incroyable des danseurs, dont on devine chez certains une solide technique classique (Thiago Bordin a été une des étoiles de John Neumeier à Hambourg).
Avec Crystal Pite et In the Event, on se retrouve peu ou prou avec une chorégraphie dans la même veine que celle créée par la Canadienne pour l’Opéra de Paris cet automne. Avec son univers post-apocalyptique et ses mouvements d’ensemble sur une musique d’Owen Belton qui pourrait très bien illustrer un blockbuster de science-fiction, on n’est pas très loin d’une version chorégraphique de Terminator. C’est très efficace mais les 23 minutes suffisent amplement.
Stop-Motion qui clôture le programme est inspiré par la fille de Paul Lightfoot et Sol León, Saura dont le visage filmé au ralenti est projeté sur une toile géante qui surplombe la scène. Paul Lightfoot explique : « Elle avait 15 ans au moment de la création du ballet (2014), l’âge où l’adolescente se métamorphose en une jeune femme. D’une certaine façon, elle se comporte comme un prophète qui nous observe de haut, nous les simples mortels avec un regard omniscient. » Je ne suis pas sûre d’avoir trouvé un lien entre cette note d’intention et les très belles choses que l’on voyait sur scène, accompagné par les très efficaces compositions de Max Richter. Là encore, la profondeur du message importe peu, l’émotion vient de la technique, de la puissance physique des danseurs qui explose dans des solos de toute beauté avec un gros coup de cœur pour celui confié à Jon Bond.
C’est le programme de danse contemporaine idéal pour l’amateur de danse classique et sans conteste l’un des moments phares d’une saison de danse parisienne un peu fade du côté de l’Opéra. Même la fournaise de la salle Jean Vilar n’a pas réussi à entamer mon enthousiasme.
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