Les adieux d’Eleonora Abbagnato à l’Opéra ont été quelque peu contrariés par l’épidémie de COVID. Le retour de l’étoile transalpine sur une scène parisienne, avec le Ballet de l’Opéra de Rome qu’elle dirige depuis 2015, était donc une sorte de post-scriptum pour le public parisien. Après plusieurs reports de dates, la troupe italienne a posé ses valises au Palais des Congrès du 13 au 15 janvier, avec un ballet qui, sur le papier, semble bien convenir à l’ADN de cette salle, un tube de la musique classique pour accompagner une chorégraphie mélangeant néo-classicisme et contemporain. Aux manettes de cette création autour des Quatre Saisons de Vivaldi, le chorégraphe Giuliano Peparini a un CV éclectique : étoile du Ballet National de Marseille, assistant de Roland Petit, chorégraphe pour le Cirque du Soleil et pour la variété française et ses comédies musicales à gros budget ou encore juré pour la France a un Incroyable Talent. Cet éclectisme se retrouve dans cette pièce de 1h15, avec plus ou moins de bonheur.

Le spectacle s’ouvre sur l’Hiver, quelque part aux alentours de Noël : derrière les fenêtres, la neige tombe à gros flacons, une voix récite en italien une poème sur l’amour et l’art, on passe le temps en regardant des vieux cartoons à la télévision, confortablement installé dans un canapé chesterfield, une femme (Eleonora Abbagnato) quitte la maison et son compagnon (Michele Satriano). C’est sans doute la première relation sérieuse de celui-ci, il semble indécis : doit-il la rattraper ou suivre les conseils de ses amis, éternels célibataires ? Un flash-back va explorer les saisons de cet amour à partir de son printemps, au rythme des concertos éponymes, tandis que des projections vidéos de l’évolution d’un arbre sur la toile de fond de scène et des bruitages atmosphériques transportent le spectateur dans le climat correspondant.

On pourrait sous-titrer ce ballet le Jeune Homme et l’Amour, tant l’influence de Roland Petit, le maître du chorégraphe, est prégnante : depuis Eleonora Abbagnato qui véhicule tout son bagage de grande interprète du répertoire de Roland Petit, la Femme avec un F majuscule, jusqu’aux démonstrations de virtuosité classique pour son amant ou aux ensembles à la chorégraphie pas toujours inspirée.

J’ai trouvé le premier tiers plutôt réussi, avec son côté comédie à l’italienne. Michele Satriano avec ses faux airs de Marcello Mastroianni est particulièrement attachant. Quel dommage que la totalité de la pièce ne soit pas restée dans cette veine, pas si fréquente dans la danse d’aujourd’hui. J’ai été un peu déconcertée par les incursions du côté du musical, sur des standards de la musique populaire, avec notamment un improbable ensemble de danseurs en caleçon. Le contenu chorégraphique paraît également assez pauvre par rapport au potentiel des danseurs, c’est un peu toujours la même chose et la musique n’est pas vraiment exploitée. On danse pareil que ce soit sur les Feuilles Mortes ou l’Automne. Les textes poétiques récités en fil conducteur n’apportent rien, surtout qu’ils sont en italien et qu’ils sont sur titrés une fois sur deux. La conclusion  avec la maison qui prend l’eau, la confrontation des deux amoureux de part et d’autre de la table (artefact qui renvoie au Jeune Homme et la Mort de Petit, mais aussi à Mats Ek) fait mouche, dommage de polluer cette image finale marquante avec un tableau de « grande parade » façon comédie musicale. Reste à saluer l’ambition d’imaginer un spectacle de danse populaire pour de très grandes salles.  Les Quatre Saisons a été créé au Circus Maximus à Rome et, dans ce cadre majestueux, la scénographie très visuelle devait avoir un rendu assez spectaculaire, qui se perd dans le cadre impersonnel du Palais des Congrès.

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