Le Bolchoï offre sur sa chaîne YouTube du 4 au 5 avril 2020 la captation de Marco Spada chorégraphié pour la troupe par le Français Pierre Lacotte en 2013. Ne manquez pas ce formidable ballet de cape et d’épée dont j’avais fait le compte-rendu après sa diffusion au cinéma le 30 mars 2014.
Quel privilège de pouvoir admirer au cinéma Marco Spada, la reconstruction par Pierre Lacotte du ballet de Joseph Mazilier sur la musique d’Auber, seulement quelques mois après sa création au Bolchoï dans la distribution exceptionnelle de sa première.
Les trois heures de spectacle passent comme dans un rêve, nous entraînant dans une Italie de pacotille, que pourrait avoir décrite Alexandre Dumas, avec ses villages écrasés de soleil, ses palais somptueux, ses chateaux avec des passages secrets, sa pittoresque campagne, où sévit un bandit au grand cœur, où la comédie amoureuse n’est jamais très loin et où la légèreté et l’élégance l’emportent toujours sur le drame.
La troupe du Bolchoï brille de mille feux dans cette chorégraphie qui ne propose pas moins de 5 rôles pour des étoiles, ainsi que de nombreux ensembles de toute beauté. C’est une véritable déclaration d’amour au ballet classique que livre ici Pierre Lacotte, et qu’il confie à un théâtre qui revendique son attachement à la forme la plus pure de la danse classique.
Le début du premier acte est dominé par le triangle amoureux entre la fille du gouverneur de Rome, la Sampietri (Olga Smirnova), le capitaine des dragons Pepinelli (Igor Tsvirko) et le fiancé de celle-ci, le prince Frederici (Semyon Chudin) sur fond de noce villageoise perturbée par les larcins de Marco Spada (David Hallberg) et de sa bande.
La compagnie aristocratique s’égare dans les collines sur le chemin du retour et trouve refuge dans ce qu’ils croient être la demeure d’un gentilhomme, en fait le repaire de Marco Spada. Ils font la connaissance d’Angela (Evgenia Obraztsova), la fille du propriétaire qui ignore les activités criminelles de son père : le prince Frederici en tombe amoureux.
Semyon Chudin délivre ici une performance technique impressionnante, tandis qu’Igor Tsvirko (simple soliste dans la troupe !) joue avec brio la carte du charme et de la séduction latine. Dans ce 1er acte, David Hallberg semble quelque peu chercher ses marques (il reste avant tout un prince et il lui manque le côté gouailleur du bandit), mais cela reste tout relatif, étant donné l’excellence du plateau. Côté féminin, il y a également un duel au sommet entre la gracieuse coquetterie d’Olga Smirnova et la charmante simplicité d’Evgenia Obraztsova. On n’oubliera pas les talentueux Anastasia Stashkevich et Vyacheslav Lopatin dans le pas de deux virtuose des jeunes mariés.
Le deuxième acte se déroule dans le décor d’un palazzo romain : le gouverneur invite Angela et son père au bal où doivent être annoncées les fiançailles de sa fille avec le prince Frederici. Ces fiançailles apparaissent plus qu’hypothétiques car le comte Pepinelli semble avoir de sérieuses assurances sur sa victoire dans le cœur de la Sampietri, tandis que le prince Frederici est sous le charme d’Angela. Mais Marco Spada se fait démasquer, Angela découvre la vraie nature de son père et doit décliner la proposition en mariage du prince. Les cartes du jeu amoureux sont entièrement rebattues. Les motivations des différents personnages ne nous apparaissent pas toujours clairement, mais on est emporté dans un tourbillon frénétique de danse, de variations, de pas de deux. Quel est le plus beau du pas de deux Chudin / Smirnova ou du pas de deux Hallberg / Obrazstova ?
Le troisième acte est encore plus fou. Cela débute dans le luxe raffiné du boudoir d’Olga Smirnova, pour une scène à la fois comique et romantique avec Igor Tsvirko, qui la convaint de s’enfuir avec lui. C’est sans compter la bande de Marco Spada qui kidnappe les deux amoureux. La conclusion se déroule dans le camp du brigand, où l’a rejoint sa fille Angela : célébration du mariage de Pepinelli et de la Sampietri, arrivée du gouverneur et du prince, mort de Marco Spada qui a le temps de confier sa fille à Frederici, les péripéties s’enchaînent et la danse les accompagne crescendo. David Hallberg et Evgenia Obraztsova trouvent un second souffle pour se jouer des dernières difficultés.
On ressort du cinéma avec un grand sourire, après ce dernier live de la saison : on a déjà hâte de retrouver cette formidable troupe en octobre prochain pour le Legend of Love de Yuri Grigorovich.
Mots Clés : Bolchoï,David Hallberg,Evgenia Obraztsova,Marco Spada,Pierre Lacotte,Semyon Chudin