Le Ballet de l’Opéra National d’Ukraine est de retour pour les fêtes au Théâtre des Champs Elysées, pour présenter en France un ballet inédit d’inspiration classique, adapté du conte d’Andersen, la Reine des Neiges. Aniko Rekhviashvili, chorégraphe et directrice de la compagnie jusqu’en 2019, et Oleksii Baklan, chef d’orchestre de l’Opéra,  ont eu la très belle idée de renouveler le genre du ballet de Noël et de proposer une alternative à l’éternel Casse-Noisette. La troupe en avait d’ailleurs une très jolie production à son répertoire, désormais délaissée pour cause de patriotisme ukrainien.

La Reine des Neiges (Iryna Borysova)

On apprécie la présence d’un vrai orchestre dans la fosse pour interpréter un medley d’œuvres propices à la danse (Grieg, Massenet, Strauss, Offenbach, Berlioz) dont  est bannie toute composition russe, seule incursion de la folie du monde actuel dans cette production au charme délicieusement suranné qui reprend tous les codes du ballet classique traditionnel. Le livret est limpide et les décors naïfs nous plongent dans une atmosphère entre conte de Noël et histoire merveilleuse.

Le premier acte plus narratif permet de dépeindre la vie d’une communauté villageoise nordique à l’approche de Noël, et de faire la connaissance des deux jeunes héros, une adolescente, Gerda (Tetiana Lozova), et son meilleur ami, Kai (Yaroslav Tkachuk). Nous avons ainsi droit à de jolis ensembles sur des valses viennoises avec des patineurs-danseurs ou à une soirée de Noël au coin du feu. Pendant ce temps, des elfes maléfiques, au service de la Reine de Neiges, ont jeté un sortilège sur le village, faisant ressortir le mal chez les habitants. Kai, en particulier, a le cœur « glacé » et, complètement envoûté, va suivre la calèche de la mystérieuse reine. Désespéré d’avoir perdu son ami, dont elle est en réalité amoureuse, Gerda se lance à sa recherche, aidée par une bienfaisante fée et guidée par un Corbeau et un Corneille. C’est le début d’un parcours initiatique à la Clara de Casse-Noisette, à la différence que l’héroïne est forte et indépendante dans sa quête. Le premier acte se termine avec un tableau dans un Jardin Enchanté qui marque le début du périple de l’adolescente : dans le rêve qui clôt cet épisode, elle est rejoint pour un pas de deux très romantique par Kai, comme une révélation de son sentiment amoureux.

Le Prince et la Princesse (Oleksii Shvydkyi et Mariia Kirsanova)

Le deuxième acte est un divertissement pur, avec les différentes rencontres de la jeune fille avant de rejoindre le château de la Reine des Neiges. Elle va tout d’abord se retrouver au cœur du mariage Grand Siècle d’un prince et d’une princesse (Oleksii Shvydkyi et Mariia Kirsanova) Elle se perd ensuite dans la forêt et se faire voler par une troupe de brigands, prétexte à une grande séquence de danses folkloriques dont le leader se trouve être un danseur français (Clément Guillaume). L’ultime tableau au Royaume des Neiges fait un peu penser à un condensé des actes  III et IV du Lac des Cygnes avec Kai contraint (sous l’emprise du sortilège) au mariage avec la Reine (Iryna Borysova marmoréenne), avant que Gerda ne réussisse par la force de son amour à réchauffer le cœur glacé du jeune homme, pour une jolie happy-end.

Gerda (Tetiana Lozova) et Kai (Yaroslav Tkachuk)

Le charme du spectacle tient plus à la sincérité et à l’engagement des interprètes, qu’à une réelle originalité chorégraphique : cela reste avant tout un best-of de ce que le spectateur apprécie dans un gala de danse classique. La plupart des ensembles gagneraient à bénéficier d’effectifs plus conséquents, et cela manque parfois, surtout dans le corps de ballet masculin, de rigueur. L’écart de niveau semble très important entre le corps de ballet et les solistes, ce qui s’explique peut-être par la situation actuelle de l’Ukraine. Ce n’était pas si patent avant la guerre. Les solistes sont très expressifs, sans affèterie. Tetiana Lozova a beaucoup de charme, même si la chorégraphie qui lui est confiée ne lui permet pas de montrer tout son talent et  Yaroslav Tkachuk (déjà remarqué lors des venues de la troupe en 2019 et 2020) offre une belle qualité de danse (amplitude, hauteur, réceptions toute en souplesse). Espérons pour ces danseurs qu’ils pourront un jour pratiquer leur art dans des conditions plus sereines.

Le spectacle est disponible en vidéo jusqu’en septembre 2025 sur la plateforme france.tv.

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