Le maître de Noureev qualifiait la Belle au Bois Dormant de « ballet des ballets ». Au sortir des 3 heures de spectacle, on ne peut que partager cette opinion, encore éblouis par cette débauche de danse, la musique de Tchaïkovski et ces décors et costumes somptueux recréant dans l’enceinte moderne de Bastille l’illusion du Grand Siècle. Quel plus bel hommage au Tricentenaire de l’Ecole de Danse que ce ballet, mettant à l’honneur l’élégance française, créé en Russie par un chorégraphe français, Petipa, et revisité pour le ballet de l’Opéra de Paris par Noureev. Pendant un mois, l’excellence du corps de ballet et de ses solistes va être testée par ce révélateur impitoyable.
La représentation du 5 décembre a été dominée par Aurore et Désiré incarnés par Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt.
Le prologue, baptême de la Princesse Aurore, a permis d’apprécier la qualité des ensembles, où brillent encore Pierre-Arthur Raveau et François Alu, en attendant leur promotion au grade de premier danseur en janvier.
Ludmila Pagliero est en train de devenir la référence en termes de grande danse classique à l’Opéra et elle semble capable de s’accaparer tous les grands rôles du répertoire, même si on l’imagine plus aisément dans des personnages plus terriens (Paquita, Kitri) que celui d’Aurore.
Dès son entrée au 1er acte, elle électrise le plateau. On la devine enfant gâtée, capricieuse car surprotégée par ses parents. L’Adage à la Rose est magistralement interprété par la danseuse : tout paraît facile, presque trop, mais finalement cela colle bien avec le parcours de l’héroïne jusqu’à l’anniversaire de ses 16 ans.
Il faut attendre le 2ème acte pour faire connaissance avec le Prince Désiré. Ce devait être beaucoup d’émotion pour Josua Hoffalt de retrouver la scène après une absence de plus d’un an, et qui plus est dans un rôle aussi délicat. Cette émotion, il a réussi à la communiquer dans cet acte très introspectif où le Prince essaie de donner un sens à sa vie et part à la recherche de la Princesse endormie que la Fée des Lilas lui a montrée en vision.
La première variation du Prince est très belle avec de l’élévation et de la légèreté dans les sauts, tandis que sa variation lente est pleine de sensibilité. Dans la scène de la vision, le couple avec Ludmila Pagliero fonctionne parfaitement.
Le 3ème acte, celui du mariage, débute avec les divertissements où s’illustrent les personnages des contes de Perrault.
Ma préférence va au duo de chats d’Aubane Philbert et Daniel Stokes.
Dans le divertissement des Pierres Précieuses, Sarah Kora Dayanova se distingue de ses partenaires, et Florimond Lorieux essaie tant que bien que mal de rester en musique dans une succession de pas par trop alambiqués.
Eve Grinsztajn et Axel Ibot ont offert un joli duo dans l’Oiseau Bleu, même si il a également eu quelques frayeurs sur le final de son solo.
Aucune de ces « guest stars » n’a réussi à éclipser Aurore et Désiré. Dans le pas de deux du mariage, quelques petits réglages sont peut-être encore à faire sur les portés poissons, mais l’on ne perçoit ni effort ni concentration excessive dans le travail des deux danseurs. Pour lui, les réceptions sont piles, les pirouettes maîtrisées, le manège de sa variation manque sans doute un peu de vitesse. Pour elle, cela va tellement vite qu’on ne peut qu’admirer.
Dommage que la régie ne laisse pas tous ces artistes être fêtés plus longtemps par un public très chaleureux ce soir. Une fois que les lumières se sont rallumées, on entend des applaudissements en coulisses: la troupe est elle aussi contente de sa soirée.
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